Par Pape Demba Thiam, ancien cadre de la Banque mondiale.
Contrairement aux idées reçues, d’écoles plus idéologiques qu’opérationnelles, l’économie de marché n’est absolument pas incompatible avec la planification stratégique, qui est à la base des interventions d’un État.
Étymologiquement, un véritable économiste ne peut pas se contenter de mesurer, rapporter ou décrire passivement ce qui se passe dans son environnement, pour simplement sortir d’une boîte à outils formatée des recettes universelles et les utiliser comme le ferait un bureaucrate robotisé.
Un vrai économiste doit être ambitieux, ingénieux et entreprenant, parce qu’il cherche à identifier des risques et des contraintes, pour intervenir et transformer son environnement, y compris en créant des concepts, outils et instruments appropriés et efficaces.
Ainsi, le travail d’un économiste peut amener divers corps d’expertise et de métiers à intervenir de concert afin de corriger des distorsions structurelles, comme le fait d’installer des chaînons manquants sur des chaînes de valeur potentielles, pour contribuer à créer des plateformes de compétitivité intégrées, qui permettent à une économie d’être compétitive en attirant des investissements dé-risqués et donc viables, et à ses entreprises de tirer un meilleur parti des provisions de l’économie de marché global.
Vue sous cette perspective, la plus grande cause de la crise de l’économie mondiale globalisée et ultralibéralisée, c’est le manque cruel de véritables économistes dans le monde occidental.
Paradoxe seulement en apparence, c’est une Chine officiellement communiste et à économie planifiée qui est, de nos jours, l’un des plus grands gagnants de l’économie mondiale de marché ouverte, alors que les États-Unis, qui ont imposé l’ultralibéralisme de l’économie de marché global au monde entier, retournent au protectionnisme.
Historiquement, la plupart des économistes et autres intellectuels de l’Afrique post-indépendances se sont investis dans des analyses et publications tendant à expliquer idéologiquement les méfaits des systèmes d’exploitation de leur continent.
Leurs travaux servaient à pousser les dirigeants africains à s’aligner sur l’un des blocs de la guerre froide ou à entrer dans le mouvement des non-alignés. Paradoxe : ils n’ont pas proposé de modèles économiques indépendants et propres aux Africains.
Leur intellect n’a pas inventé ni créé d’économies politiques africaines centrées sur la transformation des opportunités économiques du continent, pour amener ses dirigeants à mettre en œuvre des stratégies, programmes, projets et interventions permettant le développement économique et social maîtrisé de leurs populations.
La chute du mur de Berlin a renvoyé ces économistes de gauche à une sorte de retraite, alors que les nouveaux macroéconomistes, alignés sur les institutions de Bretton Woods, trouvaient à s’employer avec leurs programmes de libéralisation, de stabilisation et d’ajustement structurel, tous nés du piège de la dette publique.

![[Tribune] L’Afrique et sa pénurie d’économistes](https://www.financialafrik.com/wp-content/uploads/2025/10/IMG_2268.jpeg)