A chaque nouveau régime sa cohorte de nouvelles figures issues des milieux affaires au Burkina Faso. Si des personnalités comme Alizeta Ouédraogo, Lassine Diawara, patron de la Mabucig, Mahamadi Savadogo, fondateur de Smaf International ou encore le milliardaire Oumarou Kanazoé, patron du puissant groupe de BTP « OK », avaient le vent en poupe sous Blaise Compaoré, et si Mahamoudou Bonkoungou, patron du groupe Ebomaf, a véritablement émergé sous la présidence de Roch Marc Christian Kaboré, c’est au tour d’Ali Konaté, patron du groupe de BTP Kangala, de murmurer à l’oreille du président de la transition Ibrahim Traoré.
Quelques mois seulement ont, en effet, suffi à ce natif de Bobo-Dioulasso, la capitale économique, pour pénétrer le premier cercle du jeune capitaine dont il est considéré comme l’homme lige voire le confident. Et ce dernier le lui rend bien. En témoignent plusieurs affaires et contrats développés ces dernières années. D’une part le lancement à Ouagadougou, le 30 janvier 2024, avec l’aide de l’État, de Kangala Air Express ou encore l’attribution du marché des intrants agricoles pour la Sofitex, opérateur historique du secteur cotonnier.
Jets privés et vols commerciaux
Alors qu’elle ambitionne de desservir toutes les régions du Burkina Faso et les autres pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), la nouvelle compagnie aérienne privée a reçu l’appui de l’État, notamment en termes d’autorisation, pour ses activités. Opérant à partir de jets Golfstream, de deux ATR 72-500 de 70 places ou encore d’hélicoptère Agusta AW139, elle entre en concurrence directe avec Liz Aviation du magnat Mahamadou Bonkoungou.
En délicatesse avec le pouvoir actuel, ce dernier préfère pour l’heure affréter ses appareils pour les chefs d’État de la sous-région, dont Alassane Ouattara en pleine campagne électorale, et développer son business dans d’autres pays comme le Togo ou le Gabon. Kangala Air Express ambitionne de desservir toutes les régions du Burkina Faso mais aussi les autres pays membre de l’Alliance des États du Sahel (AES). Fin 2024 a été inauguré la ligne Bamako – Gao – Niamey. Une façon de contrebalancer la disparition d’Air France dans la sous-région après la suppression de ses dessertes par les juntes de l’AES. Pour diriger Kangala Air Express, Isa Konaté a fait appel à Serge Frédéric Zombré. Ancien patron d’agence à Ouagadougou, ce diplômé de l’Isem de Montpellier (Institut des Sciences de l’entreprise et du Management), en France, a été cadre-dirigeant de la compagnie ouest-africaine Asky et consultant pour l’International Air Transport Association(IATA).
Symbole de la proximité d’Ali Konaté avec le pouvoir burkinabè, le capitane Anderson Medah, directeur de cabinet et collaborateur intime d’Ibrahim Traoré, était présent à la cérémonie de lancement de Kangala Air Express. A cette compagnie s’ajoute la compagnie de fret Kangala Express Air Cargo basée à Dubaï et qui permet à Ali Konaté d’être un ambassadeur entre le Burkina Faso et les Émirats Arabes Unis (EAU).
Puissant chef traditionnel
Si cet homme d’affaires a pu gagner autant en notoriété, c’est aussi en raison de son statut de grand dozoba, chef de la confrérie des dozos, chasseurs traditionnels d’Afrique de l’Ouest mêlant le sacré à la force de l’engagement, lesquels ont notamment joué un rôle considérable aux côtés des forces rebelles ivoiriennes durant la crise de 2010-2011.
Celui qui préside l’influente l’Union Nationale des Dozos (UND) du Burkina Faso apporte ainsi sa contribution à l’effort de guerre et à la défense du Pays des Hommes Intègres face aux jihadistes. Les milliers de combattants de l’UND sont d’ailleurs sur le front pour contenir l’avancée de ces groupes armés dans le sud-ouest du pays et dans le nord de la Côte d’Ivoire. Ali Konaté se démultiplie également auprès des populations locales dans leur lutte contre ces groupes. Il vient de donner 200 motos aux Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), groupe d’autodéfense de civils autorisés par l’État. Une implication sur le terrain qui fait de l’homme d’affaires un soutien précieux pour les autorités du pays en termes de renseignement. Ses canaux passent d’ailleurs par les sécurocrates du régime dont le ministre de la Défense et des Anciens combattants nommé en décembre dernier, le général Célestin Simporé et, avant lui, le général Kassoum Coulibaly.