Voilà un essai par notre confrère, Ousmane Ndiaye, ancien rédacteur en chef du service Afrique de TV5 Monde, qui va faire couler beaucoup d’encre. Dans « L’Afrique contre la démocratie : Mythes, déni et péril », l’auteur explore avec une grande lucidité la crise démocratique en Afrique, en déconstruisant les idées reçues et en analysant les défis économiques et financiers qui entravent le développement du continent. A commencer par l’impact des régimes militaires sur les économies africaines.
Perçus comme des « sauveurs », notamment après la série de coup d’Etat au Mali, au Burkina Faso et au Niger ayant conduit à la création de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), ces régimes exacerbent, selon lui, les problèmes économiques au lieu de les résoudre. Loin de promouvoir le développement, les régimes militaires, –aujourd’hui comme par le passé-, privilégient la répression et la centralisation du pouvoir, insiste-t-il. Ce qui a toujours été une entrave à la croissance économique et à la stabilité financière du continent – quelles que soient les latitudes sous lesquelles ils se produisent ! Sa déconstruction des mythes ambiants ne s’arrête pas là. Et, notamment, celui qui consiste à dire que l’Afrique n’est pas faite pour la démocratie. « Alors que la démocratie est universelle. N’en déplaise aux Occidentaux qui se la sont appropriée et en ont fait un ethnocentrisme !», ironise-t-il.
Au rejet de la démocratie qui s’exprime aujourd’hui ouvertement et de façon radicale en Afrique se rajoutent, selon lui, de nouveaux prophètes panafricanistes ou anti impérialistes auto proclamés qui proposent aux Africains de renoncer à la démocratie au nom du développement économique. Il en profite pour dénoncer le « populisme démocratique » de ceux qu’il nomme les « nouveaux gourous » comme Alain Foka, Nathalie Yamb ou Kemi Seba, mais n’épargnent pas non plus les «opposants historique » tels Alpha Condé, Laurent Gbagbo, voire même Abdoulaye Wade. Le pire, selon lui, est la kagamephilie qui consiste à encenser l’action du président Rwandais. Une folie, pour l’auteur, car la dictature, fusse-telle éclairée, n’a apporté que terreur et misère dans l’histoire de l’humanité.
Quant aux défis liés à l’aide internationale, Ousmane Ndiaye emboite le pas aux détracteurs de la trop grande dépendance de nombreux pays africains à l’aide internationale. Pour lui, la relation entre l’aide et la croissance économique est non linéaire, rappelant au passage que l’efficacité de l’aide dépend de son niveau par rapport au PIB. Au-delà d’un certain seuil, l’impact marginal de l’aide diminue, suggérant que les pays africains doivent renforcer leurs efforts de mobilisation des ressources internes pour soutenir leur développement économique. D’où la nécessité, selon lui, d’une gouvernance économique plus stable qui s’appuierait sur davantage de transparence et de responsabilité de la part des décideurs, un prérequis pour assurer un développement durable dans les 54 Etats africain. Les pratiques de corruption et de mauvaise gestion des ressources publiques, qui détournent les fonds nécessaires au développement et renforcent les inégalités économiques, appartiennent à un autre temps. Si elles ne sont pas reléguées aux oubliettes de l’histoire, c’est toute une jeunesse africaine qui risque de sombrer au profit de quelques-uns, avertitil. A moins qu’elle ne finisse par se soulever, comme en attestent les manifestations de la Gen-Z, partout sur la planète et, particulièrement, en Afrique.
Ousmane Ndiaye n’hésite pas, non plus, à aborder la question de la souveraineté monétaire en dénonçant l’utilisation de monnaies étrangères comme le franc CFA. Il argue que les pays africains devraient avoir un contrôle total sur leur politique monétaire pour mieux répondre à leurs besoins économiques spécifiques et pour renforcer leur indépendance financière. D’où son plaidoyer en faveur d’une approche économique africaine autonome, qui privilégie l’intégration régionale, le commerce intra-africain et le soutien aux entreprises locales. Il critique avec férocité les politiques économiques imposées de l’extérieur qui ne tiennent pas compte des réalités africaines et appelle à une révision des stratégies de développement pour les rendre plus adaptées et efficaces.
En résumé, « L’Afrique contre la démocratie » offre une analyse critique sans concession des liens entre démocratie, économie et développement en Afrique en mettant en lumière les défis économiques et financiers qui entravent le progrès du continent. Pour un petit essai d’à peine 172 pages, c’est une belle performance. Toute nos félicitations, également, au créateur de cette jeune collection (El Hadj Souleymane Gassama dit Elgas), sur fond jaune. L’essai d’Ousmane Ndiaye en est définitivement, l’une des plus belles pépites.