Par Rodrigue Fenelon Massala
Du haut de la tribune du Global Gateway Forum, le 7 octobre 2025 à Bruxelles, Félix Tshisekedi a surpris son auditoire. Là où certains attendaient un discours vindicatif, le président congolais a choisi le ton de la paix. Sans reprendre les appels à des sanctions contre Kigali, il s’est directement adressé à Paul Kagame, lui demandant d’embrasser « le chemin du dialogue » et de « placer la paix au-dessus des divergences ».
Une offensive diplomatique calculée
Ce discours, tenu sur une scène européenne, dépasse le cadre protocolaire. Tshisekedi y a mêlé conviction personnelle et stratégie politique, cherchant à repositionner la République démocratique du Congo comme acteur constructif dans une région en tension permanente.
« La stabilité des Grands Lacs ne peut être obtenue par les armes », a-t-il insisté, en appelant à la « coexistence pacifique » et à une « désescalade immédiate » entre Kinshasa et Kigali.
Le moment n’est pas anodin : alors que les discussions diplomatiques à Doha et à Washington stagnent, le président congolais choisit de s’adresser à la fois à son voisin rwandais et aux grandes puissances occidentales, sous le regard attentif de l’Union européenne.
Bruxelles, une tribune symbolique
S’exprimer depuis Bruxelles n’est pas un hasard. C’est là que se joue une partie de l’équilibre diplomatique entre l’Afrique et l’Europe. En lançant cet appel, Tshisekedi montre qu’il veut apparaître non comme un dirigeant acculé par la guerre du M23, mais comme un chef d’État responsable, capable de prendre de la hauteur.
Ce message s’adresse aussi à l’opinion internationale : il met Kigali face à ses responsabilités tout en se présentant comme l’homme de la désescalade. Une main tendue, mais aussi un test politique pour Kagame.
Entre ouverture et pression diplomatique
Depuis 2021, les relations entre les deux pays se sont envenimées, sur fond d’accusations d’ingérence et de soutien au M23 par le Rwanda — des accusations que Kigali nie, malgré des rapports de l’ONU accablants. Dans ce climat, l’appel à la paix de Tshisekedi peut se lire comme une double manœuvre :
- D’un côté, un geste de bonne foi, visant à ouvrir la voie à un dialogue régional.
- De l’autre, une manière de placer Kigali sous le feu des projecteurs. Car un refus de répondre positivement pourrait être interprété comme un aveu de mauvaise volonté.
Cette sortie diplomatique permet également à Kinshasa d’obtenir le soutien moral et diplomatique de l’Union européenne, appelée par Tshisekedi à « s’impliquer davantage dans la pacification » de la région.
Un message à plusieurs niveaux
En tendant la main à son rival, Félix Tshisekedi cherche à reprendre l’initiative. Il rassure la population congolaise, qui réclame la sécurité dans l’Est, tout en consolidant son image internationale de leader pacifiste et pragmatique.
Ce message venu de Bruxelles, à la fois ferme et conciliant, s’inscrit dans une logique d’apaisement avant une éventuelle montée des tensions militaires.
Dans les coulisses diplomatiques, le signal est clair : Kinshasa se veut acteur de la paix, Kigali devra choisir entre l’isolement ou la réconciliation