Par professeur Amath Ndiaye, FASEG-UCAD.
La BCEAO s’apprête à franchir une étape historique avec le lancement du e-CFA, une version entièrement numérique du franc CFA. Fini les billets et les pièces : demain, chacun pourra utiliser directement sa monnaie via son téléphone, une carte ou une application, en toute sécurité.
Une monnaie officielle et sûre
Contrairement aux cryptomonnaies comme le Bitcoin, le e-CFA ne sera pas une monnaie privée. C’est une monnaie officielle, garantie par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Sa valeur est la même que celle du franc CFA actuel. Chaque citoyen, même sans compte bancaire, pourra en disposer.
L’objectif est clair : rendre les paiements plus rapides, moins coûteux, accessibles partout et à toute heure.
Plus qu’une modernisation : une question de souveraineté
Pourquoi ce changement ? Parce que la monnaie évolue. Dans le monde entier, les banques centrales lancent leurs monnaies numériques pour ne pas laisser le champ libre aux cryptomonnaies ou aux grandes fintech privées.
Avec le e-CFA, la BCEAO garde le contrôle. C’est un outil pour préserver notre souveraineté monétaire et ne pas dépendre de monnaies étrangères ou de plateformes internationales.
Quelles conséquences pour les fintech ?
C’est ici que le débat s’anime. Si le e-CFA fonctionne comme un simple « cash digital », les fintech (Orange Money et Wave) pourront continuer à offrir des services complémentaires. Mais si demain la monnaie devient « programmable » (par exemple limitée dans le temps ou utilisable seulement pour certains achats), la Banque centrale reprendra l’essentiel du terrain et les fintech devront se réinventer.
Cela ne veut pas dire qu’elles disparaîtront. Mais elles devront innover dans d’autres domaines : inclusion financière des zones rurales, finance verte, services transfrontaliers avec la ZLECAf, ou encore l’utilisation intelligente des données.
Pour nous, citoyens, l’intérêt est immense :
- plus besoin de billets fabriqués en France,
- des transferts d’argent rapides et bon marché,
- une sécurité renforcée contre la fraude et le blanchiment,
- et surtout une monnaie qui circule plus vite, même sans Internet grâce aux nouvelles technologies prévues.
En résumé, le e-CFA n’est pas seulement une innovation technique, c’est une révolution silencieuse. Elle prépare l’Afrique de l’Ouest à l’avenir numérique, tout en consolidant sa souveraineté monétaire.
Et pour les détracteurs qui répètent encore que « nos billets sont fabriqués en France », le débat sera bientôt clos : dans quelques années, nous n’utiliserons peut-être plus aucun billet. Le CFA de demain, 100 % numérique, sera bel et bien fabriqué ici, en Afrique.
A propos de Pr Amath Ndiaye, FASEG – UCAD
Prof. Amath Ndiaye est un éminent économiste sénégalais, titulaire d’un Doctorat d’État en Sciences Économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (2001) et d’un Doctorat de 3e cycle en Économie du Développement de l’Université de Grenoble, France (1987). Depuis 1987, il enseigne à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Expert reconnu, il a collaboré avec des institutions prestigieuses telles que la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale, et le FMI, se spécialisant notamment dans les domaines des taux de change, de la croissance économique, et du développement institutionnel. Il était expert-membre du comité de pilotage de la Commission de l’Union Africaine pour la Création de la Banque Centrale Africaine.. Prof. Ndiaye est l’auteur de nombreuses publications influentes, notamment sur les régimes de change et la croissance économique en Afrique de l’Ouest. Trilingue, il maîtrise le wolof, le français et l’anglais.