Abidjan, 29 septembre 2025. On aurait pu s’attendre à un duel d’arguments, à l’opposition classique entre le praticien de Wall Street et l’intellectuel militant de Dakar. Mais le panel consacré à la souveraineté monétaire, tenu en marge de la CGECI Academy et modéré par Adama Wade, Directeur de Publication de Financial Afrik, s’est mué en un concerto à deux voix, presque accordées, sur la nature et les limites du franc CFA.
D’un côté, Achille Ekeu, Américain d’origine camerounaise, banquier d’affaires à Washington, ancien dirigeant de PNC Bank et fondateur du Washington Valuation Group. Sa parole, forgée dans les rigueurs de la finance internationale, a eu l’effet d’un constat brutal : « Le franc CFA n’appartient pas aux Africains, il appartient à la France. » Derrière cette formule lapidaire, une conviction : sans maîtrise de leur monnaie, les États de l’UEMOA demeurent prisonniers d’un cadre où l’orthodoxie budgétaire s’impose plus fortement que le développement endogène.
De l’autre, Demba Moussa Dembélé, président de l’ARCADE et figure du Forum africain des alternatives, dont l’érudition critique est connue. Loin de contredire Ekeu, il enfonce le clou : « Sur les huit pays de l’UEMOA, sept sont classés parmi les Pays les Moins Avancés (PMA). » Pour lui, le lien est évident entre la persistance du cadre monétaire actuel et le maintien d’économies en situation de dépendance structurelle, incapables de sortir de la trappe du sous-développement.
Le public, un instant suspendu, a perçu l’étrange harmonie entre ces deux itinéraires pourtant si différents. Ekeu, pédagogue de la finance globale, élu en 2018 à la présidence de la région Maryland/Washington DC de la NACVA, auteur de plusieurs ouvrages de référence. Dembélé, intellectuel organique, collaborateur du CETRI et codirecteur de l’essai manifeste Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. Deux styles, une même conclusion : la monnaie, loin d’être un simple instrument technique, demeure le nœud gordien de la souveraineté africaine.