La première édition du Structured Finance Africa Forum (SFA), tenue le 25 septembre à Dakar, a réuni acteurs financiers, experts et décideurs autour d’un objectif : réfléchir à des solutions adaptées aux réalités africaines pour accélérer la transformation structurelle des économies. En marge de cette rencontre, Isaac Mbaye, directeur général d’Invictus Capital & Finance, et Moustapha Faye, directeur général de KF Titrisation, livrent leurs analyses sur l’importance de la titrisation et des instruments financiers innovants pour financer les infrastructures et soutenir la croissance du continent.
Propos recueillis par Dominique Mabika
Pourquoi avoir initié un forum tel que le SFA en Afrique ?
Isaac Mbaye: L’idée de ce forum est née d’un constat. Trop souvent, les grands rendez-vous sur la finance structurée sont organisés hors d’Afrique, avec des experts de haut niveau, certes, mais qui ne vivent pas nos réalités quotidiennes. Or, nous connaissons les difficultés auxquelles nos économies sont confrontées, en particulier les défis liés au financement et au déficit d’infrastructures.
Nous avons donc voulu créer un forum animé par les mêmes sommités internationales, mais avec des contenus, des thématiques et des solutions conçus localement. Notre ambition est de proposer des mécanismes financiers innovants, sur mesure, capables de répondre aux contraintes spécifiques de nos économies, notamment le poids de l’endettement. »
La titrisation apparaît comme un instrument phare. Pourquoi cet accent particulier ?
Isaac Mbaye : La titrisation est particulièrement adaptée à notre contexte. Elle permet de mobiliser des ressources financières sans alourdir le niveau d’endettement des États ou des entreprises.Un exemple concret : nous avons structuré avec KF Titrisation une opération pour le compte de Sonatel, qui a permis de lever 75 milliards de FCFA sur le marché financier. C’est typiquement le genre de mécanismes qui, à travers la cession de créances, peuvent servir aussi bien au secteur privé qu’aux États, notamment via les sukuk, pour financer leurs projets de développement.
Où en est aujourd’hui le marché africain de la titrisation ?
Moustapha Faye : Dans la zone UEMOA, le marché de la titrisation reste embryonnaire. Le cadre réglementaire date de 2010, et les premières transactions n’ont vu le jour qu’à partir de 2015. Depuis, une vingtaine d’opérations ont été réalisées, représentant environ 2 000 milliards de FCFA levés.Ces transactions concernent à la fois la titrisation de créances commerciales d’entreprises et les émissions de sukuk par les États. La dynamique s’accélère, avec davantage d’acteurs intéressés par cet instrument. Le contexte économique et réglementaire nous pousse à innover, et la titrisation s’impose comme une réponse concrète.
En quoi cet outil peut-il contribuer à mobiliser l’épargne locale et à alléger les bilans des banques et des États ?
Moustapha Faye : Pour les banques, la titrisation est un puissant outil de gestion des risques. En transférant certains actifs, elles allègent leurs bilans et optimisent leurs ratios prudentiels imposés par Bâle II et Bâle III. Cela leur permet de continuer à financer l’économie malgré leurs contraintes réglementaires.
Concernant la mobilisation de l’épargne locale, la titrisation introduit un produit nouveau et sécurisé. Chaque opération intègre des mécanismes de rehaussement de crédit qui rassurent les investisseurs et facilitent leur adhésion. En ouvrant ces instruments au grand public, on permet aux particuliers, aux salariés, aux commerçants, de participer directement au financement de l’économie, ce qui élargit la base de l’épargne mobilisable. »
Une finance innovante pour la transformation structurelle
L’interview croisée révèle une vision partagée : la titrisation et les financements structurés constituent des leviers essentiels pour combler le déficit d’infrastructures en Afrique, répondre aux besoins sociaux et environnementaux, tout en limitant la pression sur l’endettement.
En organisant le SFA à Dakar, Invictus Capital & Finance, KF Titrisation et les partenaires affirment la nécessité de concevoir des solutions par et pour l’Afrique, adaptées à ses réalités économiques, et capables de transformer en profondeur ses perspectives de développement.