Par Rodrigue Fénelon Massala, envoyé spécial de Financial Afrik à New York.
Troisième jour de la 80ᵉ session générale des Nations unies. À l’entrée de l’hémicycle, les fleurs blanches et les tapis rougeâtres ne parviennent pas à masquer les traits tirés d’une diplomatie mondiale essoufflée par tant de conflits simultanés. Le slogan de cette édition – « Ensemble pour un meilleur avenir » – flotte dans l’air comme un vœu pieux, rappelant plus les slogans publicitaires d’une multinationale que la rigueur d’une institution censée représenter 193 États.
L’ombre de Trump, entre panne technique et provocation calculée
Donald Trump a, comme à son habitude, volé la vedette. On retiendra autant son discours acerbe que sa montée sur scène, ralentie par un escalator capricieux. « Sabotage », a-t-il glissé en coulisses, rageur, après une panne de téléprompteur suivie d’un grésillement audio qui fit sourire la délégation scandinave. À la tribune, le président américain a tiré à boulets rouges contre tout ce qui compose l’architecture multilatérale : migrations, climat, ONU elle-même. Certains diplomates ont levé les yeux au ciel, d’autres ont quitté la salle.
Palestine, Gaza et chaises vides
Moment fort : la reconnaissance symbolique de la Palestine par plusieurs pays occidentaux, dont la France. Une onde de choc, aussitôt répercutée dans les couloirs feutrés où les diplomates s’échangent des apartés plus tranchés que leurs discours officiels. La crise de Gaza a donné lieu à une bataille de symboles : salles qui se vident lors de l’intervention israélienne, interventions indignées, communiqués rédigés à la hâte. Le ton, électrique, trahissait moins la solidarité que l’exaspération accumulée.
Des anniversaires et des nostalgies
L’Assemblée a aussi marqué le trentième anniversaire de la Conférence mondiale sur les femmes de Pékin (1995). Sur les pupitres, des hommages solennels. Dans les couloirs, des murmures cyniques sur la régression patente des droits des femmes. Une ministre nordique, glissant son badge sous le col, confiait : « Nous répétons les mêmes discours depuis 30 ans, pendant que les algorithmes reproduisent nos discriminations. »
L’Afrique dans l’arène : Tshisekedi et Macron en aparté
Le président Tshisekedi a joué la carte de la sincérité crue. Il a accusé Kigali de duplicité militaire et lancé un défi improbable : « Si Trump règle la crise à l’Est de la RDC, je le propose pour le Nobel de la paix. » Quelques rires étouffés se sont échappés des rangées africaines. Plus discrètement, Emmanuel Macron a offert un déjeuner à son homologue congolais, glissant l’idée d’une conférence humanitaire à Paris en octobre. La France veut s’afficher comme médiateur, mais le Congo attend des garanties tangibles de l’ONU, au-delà des belles phrases.
Diplomatie parallèle : Sassou et la bataille de l’Unesco
Pendant ce temps, Denis Sassou Nguesso a transformé New York en terrain de campagne pour Edouard Matoko, son candidat à l’Unesco. Dîners privés, coups de fil tardifs, promesses de soutien : un ballet diplomatique digne d’un mercato de football, où chaque pays pèse plus par son vote que par son poids économique.
La rue new-yorkaise, baromètre des passions
Devant le siège de l’ONU, c’est une autre scène qui s’est jouée. Banderoles pro-palestiniennes, cris anti-mondialistes, pancartes accusant Trump de tous les maux : le théâtre extérieur rivalisait avec le spectacle intérieur. Les sirènes de police donnaient la mesure du malaise mondial, comme un contrepoint sonore aux envolées lyriques des chefs d’État.
Conclusion
La 80ᵉ session de l’Assemblée générale de l’ONU n’aura pas marqué l’histoire par ses résolutions – elles sont encore en chantier – mais par ses à-côtés, ces détails minuscules qui révèlent la fatigue d’un multilatéralisme essoufflé. Escalators en panne, micros capricieux, chaises qui claquent quand les délégations se lèvent : parfois, ce sont ces accidents minuscules qui disent la vérité des grandes messes diplomatiques.