Ces dernières années, la Côte d’Ivoire s’est imposée comme l’un des pays les plus dynamiques d’Afrique dans le secteur extractif. Le pays a multiplié les découvertes de gisements d’envergure, attiré des investissements étrangers croissants et renforcé son cadre réglementaire afin de stimuler l’exploration. Si l’or et le pétrole demeurent les locomotives du secteur, la montée en puissance de métaux critiques tels que le cobalt, le nickel, le cuivre, le coltan ou le manganèse ouvre une nouvelle phase de diversification stratégique. Ces avancées marquent un tournant dans la stratégie nationale, qui vise à réduire la dépendance vis-à-vis des filières traditionnelles, notamment agricoles.
Des découvertes stratégiques pour un changement d’échelle
Les dernières années ont été jalonnées de découvertes majeures. En juin 2025, la société australienne Resolute Mining a annoncé la mise au jour d’un gisement de 100 tonnes d’or à Doropo, dans le nord-est du pays. L’investissement prévu de 300 milliards de FCFA devrait générer près de 3 000 emplois et des retombées fiscales équivalentes au même montant sur la première phase du projet, dont les travaux doivent démarrer en 2026.
En mai 2024, le « projet Koné », situé dans les départements de Kani et Dianra, a confirmé la découverte du plus grand gisement d’or du pays, estimé à 155,5 tonnes de réserves. Ce site deviendra la troisième plus grande mine d’Afrique de l’Ouest à son entrée en production en 2027, avec une durée d’exploitation projetée de vingt ans.
Parallèlement, l’exploration de métaux stratégiques s’accélère. En 2025, la Sodemi, en partenariat avec un investisseur chinois, a identifié à Issia le premier gisement de coltan économiquement exploitable, marquant l’entrée de la Côte d’Ivoire dans la production de ce minerai clé pour l’industrie électronique.
Sur le plan pétrolier, la dynamique est tout aussi notable. Le champ offshore Baleine, découvert en 2021 par le groupe italien Eni en partenariat avec Petroci, est entré en production en août 2023 et atteint déjà 60 000 barils par jour. L’objectif national est de porter cette production à 200 000 barils par jour d’ici 2027 grâce au développement simultané de Baleine et Calao, découvert en 2024. Ces gisements devraient aussi produire jusqu’à 85 millions de pieds cubes de gaz naturel par jour, réduisant les importations et renforçant l’indépendance énergétique du pays.
La juridiction minière la plus attractive d’Afrique de l’Ouest
Selon le Fraser Institute, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui considérée comme la juridiction minière la plus attractive d’Afrique de l’Ouest. Ce positionnement résulte d’une stratégie gouvernementale volontariste, articulée autour de la réforme du code minier, de l’attribution de nouveaux permis et du renforcement de la lutte contre l’orpaillage illégal. En 2023, le pays a produit près de 55 tonnes d’or et délivré 189 permis de recherche. Ces autorisations, accordées à des sociétés locales et internationales, couvrent désormais un large éventail de métaux stratégiques, répondant aux besoins croissants des industries mondiales des batteries, des énergies renouvelables et des technologies de pointe.
Améliorer la compétitivité des entreprises ivoiriennes
Les incitations mises en place, associées à un dialogue accru avec les communautés locales, ont attiré d’importants capitaux internationaux tout en favorisant la participation des entreprises ivoiriennes aux projets. Dans le secteur pétrolier, la promotion du contenu local est devenue une priorité. En mars 2025, le Groupement des Entreprises de Services Pétroliers et Gaziers de Côte d’Ivoire a signé un protocole d’accord avec l’Africa Energy Investment Corporation pour faciliter l’accès au financement et renforcer la compétitivité des acteurs nationaux.
Le secteur minier bénéficie d’une dynamique comparable : les programmes d’exploration du coltan, du cuivre et du nickel, menés par des acteurs comme Switch Metals ou Parnassa Invest, intègrent désormais des objectifs de transfert de compétences et de structuration d’une chaîne de valeur locale, afin que l’exploitation ne se limite pas à l’exportation brute.
Ces efforts ont également permis d’obtenir un soutien accru d’institutions internationales. La Côte d’Ivoire figure parmi les premiers bénéficiaires des financements du Fonds Opep, avec près de 85 millions d’euros mobilisés pour le secteur privé, dont 35 millions destinés aux PME.
Retombées économiques et sociales concrètes
Les projets extractifs de nouvelle génération dépassent la simple exportation de matières premières : ils créent des emplois, alimentent le budget national et financent des infrastructures. Les Comités de développement locaux miniers ont vu leurs investissements passer de 2,6 milliards de FCFA en 2017 à 5,6 milliards en 2022, permettant la construction d’écoles, de centres de santé et de projets d’accès à l’eau potable.
À Doropo, les autorités locales espèrent que la future mine contribuera à réduire le chômage et à détourner les jeunes de l’économie informelle, tout en répondant à des défis sociaux et sécuritaires. Dans le secteur pétrolier, le développement du champ Baleine devrait rapidement permettre de dépasser le taux de couverture électrique actuel de 87 %.
L’objectif affiché des autorités est de porter la contribution du secteur minier à 6 % du PIB d’ici fin 2025, grâce à une production d’or portée à 65 tonnes par an. En parallèle, les nouvelles capacités pétrolières devraient offrir à l’État des ressources supplémentaires pour financer ses infrastructures et réduire sa dette publique.
Vers une puissance extractive régionale
Pour le gouvernement, ces évolutions traduisent une ambition claire : faire de la Côte d’Ivoire une puissance extractive incontournable en Afrique. L’intégration des métaux critiques dans cette stratégie illustre la volonté d’anticiper les grandes mutations industrielles mondiales. Si les récentes découvertes confirment la trajectoire ascendante du secteur, des défis subsistent : la poursuite de la diversification économique reste essentielle afin d’éviter qu’une dépendance excessive aux matières premières n’expose le pays aux cycles volatils des marchés. Par ailleurs, les échéances électorales à venir devront préserver la confiance des investisseurs et maintenir l’attractivité qui caractérise aujourd’hui l’économie ivoirienne.