Par Pr Amath Ndiaye, FASEG-UCAD.
La crise actuelle en Guinée illustre une vérité simple : la monnaie n’a pas besoin de patriotisme, elle a besoin de confiance. En effet, une monnaie ne peut remplir correctement ses trois fonctions essentielles — moyen d’échange, unité de compte et réserve de valeur — que si elle inspire confiance. Et inversement, lorsque cette confiance disparaît, ces fonctions s’effondrent une à une.
Aujourd’hui, les citoyens guinéens ne thésaurisent pas leur argent par rejet du système bancaire ou par défi nationaliste, mais parce qu’ils craignent de ne pas pouvoir retirer leurs fonds en cas de besoin. Autrement dit, le manque de confiance est directement lié à la crainte d’une pénurie de liquidités.
Des exemples historiques comparables
Allemagne (1923 – République de Weimar) : l’hyperinflation a détruit la confiance dans le mark, au point que les citoyens se tournaient vers le troc ou des devises étrangères pour acheter des biens de première nécessité.
Zimbabwe (2007-2008) : la monnaie locale a perdu toute crédibilité avec une inflation de plusieurs milliards pour cent ; les habitants refusaient les dollars zimbabwéens et adoptaient le rand sud-africain ou le dollar américain.
Argentine (2001 et 2018) : les crises bancaires et monétaires ont entraîné une fuite vers le dollar. Les Argentins stockaient leurs économies en devises étrangères, redoutant les restrictions sur les retraits et la dévaluation du peso.
Grèce (2015) : au plus fort de la crise de la dette, la peur d’une sortie de l’euro a provoqué un retrait massif des dépôts bancaires. La monnaie (l’euro) était toujours forte à l’international, mais les citoyens ne faisaient plus confiance à leur système bancaire.
*Leçon*
Une monnaie ne vit pas de slogans mais de confiance partagée. Cette confiance repose sur deux piliers :
1. La stabilité de sa valeur (lutte contre l’inflation).
2. La garantie de sa disponibilité (assurer que les dépôts soient retirables à tout moment).
Lorsque l’un de ces deux piliers vacille, la monnaie perd son rôle central : elle ne circule plus, l’économie s’asphyxie et la défiance s’installe.
La monnaie ne peut remplir ses trois fonctions que si elle inspire confiance. Sans cela, elle perd son rôle économique, quelle que soit son origine ou son symbole.
A propos de Pr Amath NDiaye, FASEG-UCAD
Prof. Amath Ndiaye est un éminent économiste sénégalais, titulaire d’un Doctorat d’État en Sciences Économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (2001) et d’un Doctorat de 3e cycle en Économie du Développement de l’Université de Grenoble, France (1987). Depuis 1987, il enseigne à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Expert reconnu, il a collaboré avec des institutions prestigieuses telles que la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale, et le FMI, se spécialisant notamment dans les domaines des taux de change, de la croissance économique, et du développement institutionnel. Il était expert-membre du comité de pilotage de la Commission de l’Union Africaine pour la Création de la Banque Centrale Africaine.. Prof. Ndiaye est l’auteur de nombreuses publications influentes, notamment sur les régimes de change et la croissance économique en Afrique de l’Ouest. Trilingue, il maîtrise le wolof, le français et l’anglais.