Tout comme Ousmane Sonko, il a voulu faire face au « système ». A cette différence près que le leader du Pastef a circonscrit sa lutte au Sénégal, Pape Thiam lui faisant face à la bureaucratie de la Banque Mondiale, «Fabrique de pauvreté » et, malgré elle peut être, garante d’un certain statu quo … D’où l’intérêt de cette missive de l’ancien cadre de la World Bank envers l’actuel premier ministre du Sénégal. Il y est forcément question de système. In extenso.
Monsieur le premier ministre
J’ai eu de l’empathie pour vous, en vous écoutant vous indigner des “fonctionnaires milliardaires”.
J’avais entendu, lors de la dernière campagne présidentielle, l’ancien Premier Ministre M. Amadou Ba, dire qu’il aurait ]légalement] profité de dispositions qui permettent à des fonctionnaires de gagner beaucoup d’argent, en plus de leurs salaires.
Je crois donc, que vous avez une perception juste de cette illégitimité sans encore, essayer de la délégaliser. C’est pourquoi vous parlez de changer ce que vous appelez le “système”, sans le définir.
Vous m’étiez sympathique, par le seul fait que vous êtes un pur produit du système que vous aviez promis de combattre. Et que, beaucoup de cadres qui vous avaient suivi, à l’instar de l’actuel Président de la République, sont aussi des purs produits de ce même système.
Vous attaquer à un système dont vous pouvez être parmi les seuls gros bénéficiaires, vous avait rendu légitime aux yeux de quelqu’un comme moi, qui ai très tôt choisi de combattre à mes risques et périls et par de la subversion épistémologique basée sur l’éveil des consciences, un système institutionnel multilatéral de fabrique de pauvreté, dont je pouvais bien profiter en rentrant dans les rangs, comme le font la plupart des fonctionnaires et consultants internationaux.
Mais, vous ne pouvez pas changer un système, sans comprendre son projet intrinsèque, sa doctrine et ses instruments opérationnels. Parce que c’est celui qui a crée et/a compris comment s’est crée un monstre, qui peut le détruire.
Il faut justement comprendre qu’au Sénégal, les hauts cadres administratifs les plus en vue, respectés et riches, sont les gardiens du temple qui abrîte le système de maintien du statut quo post-colonial.
Ce sont des inspecteurs des finances, du trésor, des douanes, des impots, des domaines etc. Ce que vous appelez le système a même crée une prestigieuse école d’administration d’où sortent fièrement des administrateurs civils.
Pourquoi “civils”, parce que c’était pour remplacer les administrateurs militaires du temps de la colonisation, afin de maintenir ce que vous appelez système et dont les structures sont faites pour résister aux changements.
C’est pourquoi les administrateurs du système ont beaucoup d’avantages fonciers, financiers et autres. C’est ainsi qu’ils ont été les premiers à investir dans le secteur informel.
C’est aussi cela notre drame, parce que des gérants d’un système ne sont pas éduqués et formés pour le détruire de l’intérieur, même s’ils en ont l’envie. Surtout qu’il est difficile de passer d’un état d’esprit de syndicalisme qui défend les intérêts matériels et moraux de ses membres, à celui d’un leadership politique, qui essaie de faire ce qui est juste, de manière juste.
Il nous faut donc [co-construire] un leadership politique, sur la base d’une vision nationale commune du développement économique inclusif, pour aligner notre système de gouvernance sur ses objectifs.
Pape Demba Thiam, ancien cadre de la Banque mondiale.