Pr Amath Ndiaye – FASEG, UCAD.
Le Sénégal est confronté à une impasse budgétaire et financière majeure. Selon le rapport 2024 de la Cour des comptes, le déficit budgétaire a atteint 12 % du PIB, tandis que la dette publique frôle les 96,7 % du PIB nominal. Dans le même temps, les recettes fiscales plafonnent à 18 % du PIB, un niveau trop faible pour faire face à de telles dérives.
Dans ce contexte, l’État ne peut pas compter uniquement sur ses ressources internes pour financer ses dépenses, rembourser sa dette et relancer l’économie. Il doit agir rapidement, notamment en réformant les subventions énergétiques, qui absorbent chaque année des sommes colossales.
Un déséquilibre budgétaire aggravé par les subventions
En 2023, les subventions énergétiques franchiront la barre des 800 milliards de FCFA :
- 279,8 milliards pour la compensation tarifaire de l’électricité (versée à la SENELEC),
- 524,7 milliards pour compenser les pertes commerciales des distributeurs de carburant et de gaz butane.
Au total, cela représente plus de 4 % du PIB, un montant supérieur à l’ensemble des investissements publics dans certains secteurs sociaux. Cette politique, bien qu’orientée vers la protection du pouvoir d’achat, est aujourd’hui injuste, coûteuse et insoutenable.
Ces subventions, bien qu’initialement justifiées par des crises successives (COVID, inflation mondiale, inondations), bénéficient surtout aux ménages les plus aisés. Elles creusent le déficit budgétaire et empêchent l’État d’investir dans des secteurs productifs.
Avec une pression fiscale plafonnant à 18 % du PIB, le Sénégal ne dispose pas d’assez de recettes internes pour continuer à financer de telles dépenses, tout en assurant ses engagements sociaux, sa dette et ses ambitions de développement.
Le déficit courant et la dépendance extérieure
Le déficit de la balance des paiements courants, estimé à 13,8 % du PIB en 2024, reflète une dépendance structurelle aux importations. Le pays importe massivement son énergie, ses produits manufacturés et même une part importante de son alimentation.
Ce déséquilibre met en péril les réserves de change de la BCEAO, et impose un besoin de financement extérieur permanent.
C’est dans ce contexte que l’endettement en devises étrangères peut permettre de poursuivre un double objectif : financer le déficit budgétaire et renforcer la balance des paiements en apportant les devises nécessaires à l’économie.
Le FMI : un levier de financement et une garantie de crédibilité pour une réforme nécessaire et socialement viable
Le soutien du FMI est vital. Il permet de :
- financer une partie du déficit à des taux concessionnels,
- soutenir la balance des paiements en devises,
- et surtout, envoyer un signal positif aux autres bailleurs de fonds et investisseurs étrangers, rassurés par la présence d’un cadre macroéconomique rigoureux.
Réduire les subventions énergétiques ne signifie pas abandonner les ménages vulnérables. Il est possible de :
- maintenir des tarifs sociaux ciblés,
- introduire des transferts directs pour compenser les hausses de prix,
- réallouer les ressources vers les services sociaux, les infrastructures et la productivité agricole.
Conclusion
Même le Nigeria, premier producteur de pétrole en Afrique, a été contraint de réduire drastiquement ses subventions énergétiques pour redresser son budget et sa balance des paiements. Pour le Sénégal, qui importe son énergie, le maintien de ces subventions est un luxe budgétaire et externe intenable.
La réforme sera difficile, mais nécessaire. L’appui du FMI, avec ses ressources à faible coût, constitue une assurance contre les déséquilibres financiers, tout en facilitant une transition progressive.
Parallèlement, l’État devra mobiliser des leviers extrabudgétaires pour relancer le secteur privé : développement du crédit bancaire, partenariats public-privé, réforme du climat des affaires.
Le redressement des finances publiques ne pourra venir uniquement des recettes fiscales. Il exige des choix courageux, une réforme équitable et une gouvernance exemplaire pour restaurer la confiance, stabiliser l’économie et préparer l’avenir.
Par ailleurs, les recettes attendues de l’exploitation pétrolière et gazière ne permettront pas à court terme de combler les déséquilibres structurels. Le budget 2025 prévoit en effet des recettes fiscales et non fiscales provenant des hydrocarbures d’un montant de seulement 72,53 milliards de FCFA. Cela reste modeste au regard des besoins de financement de l’État, notamment pour couvrir un déficit budgétaire supérieur à 2 000 milliards de FCFA. Il est donc illusoire de compter à court terme sur une « manne pétrolière » pour résoudre les problèmes budgétaires du pays.