En avril dernier, la Banque Mondiale a «libéré» 40 milliards de dollars sur une période de 10 ans de son bilan, en ajustant son ratio de prêt à l’équité. En outre, la Banque a mis en place un mécanisme de garantie de portefeuille et lancé un instrument de capital hybride.
Grâce à ces nouveaux outils, la Banque Mondiale est désormais en mesure de prendre davantage de risques tout en augmentant sa capacité de prêt, et ce, tout en conservant sa note AAA. En combinant ces mesures, cela pourrait se traduire par une augmentation de 157 milliards de dollars de sa capacité de prêt sur une décennie. Ces actions rappelées par Ajay Banga dans son discours d’ouverture en marge des Assemblées annuelles tenues à Marrakech (9-15 octobre) seront-elles suffisantes pour répondre défis majeurs de l’ époque ?
L’Allemagne a été le premier pays à soutenir le capital hybride. Grâce à leur contribution, la Banque Mondiale bénéficiera de 2,4 milliards d’euros supplémentaires pour les prêts de la BIRD (Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement) au cours de la prochaine décennie.
De son côté, les États-Unis, grâce à leur soutien précoce des garanties de portefeuille, pourraient permettre de débloquer près de 25 milliards de dollars en nouveaux prêts BIRD. Et l’on s’attend à ce que d’autres nations emboîtent le pas prochainement.
L’efficacité de ces outils réside dans leur capacité exceptionnelle à maximiser les investissements. En effet, chaque dollar peut être multiplié par six à huit fois sur une décennie, faisant de ces instruments un investissement judicieux.
Mais les ambitions de la Banque Mondiale ne s’arrêtent pas là.
En collaboration avec d’autres banques multilatérales de développement, la Banque étudie les moyens d’utiliser plus efficacement le capital appelable et les DTS (Droits de Tirage Spéciaux). Bien que ces mécanismes soient complexes, ils restent réalisables. Cependant, leur mise en œuvre nécessitera du temps ainsi que l’engagement des actionnaires et des banques centrales.
D’autres perspectives s’offrent également.
Le Fonds pour les Biens Publics Globaux de la Banque a été créé pour encourager la coopération transfrontalière et répondre aux défis communs. Jusqu’à présent, son financement provenait uniquement des revenus de la BIRD, limitant ainsi son potentiel. Aujourd’hui, la Banque élargit ses horizons en ouvrant la porte aux gouvernements et aux philanthropes, avec l’objectif d’accroître les ressources concessionnelles. Dans cette vision élargie, et avec la capacité d’honorer sa nouvelle mission, ce fonds aspire à devenir un véritable « Fonds pour une Planète Vivable ».
La réussite de ce modèle est déjà tangible. Dans une avancée majeure, l’Uruguay est devenu le premier pays à bénéficier de taux d’intérêt réduits, directement liés à la réalisation d’objectifs de performance climatique.
Parmi les initiatives à l’étude, la Banque envisage d’étendre la maturité des prêts à 35-40 ans pour aider les pays à planifier leurs investissements à long terme dans le capital humain et social. Elle étudie également la possibilité de réduire les taux d’intérêt pour inciter les pays à abandonner le charbon dans le cadre de leur transition énergétique. De plus, pour les pays qui bénéficient à la fois de l’AID (Association internationale de développement) et de la BIRD, la Banque envisage de renforcer la transition vers les énergies renouvelables en augmentant la part du financement concessionnel.
Cet esprit d’innovation ne connaît pas de limites.
Face aux défis cumulés – la guerre en Ukraine, les effets de la pandémie et l’inflation – la Banque Mondiale s’est mobilisée pour soutenir les plus vulnérables. Cependant, face à l’ampleur des besoins, la majorité des fonds de la « Fenêtre de Réponse à la Crise » sur trois ans a été allouée dès la première année.
Il est donc urgent de reconstituer ces fonds. L’objectif est de lever 4 milliards de dollars pour la « Fenêtre de Réponse à la Crise Plus ». Les États-Unis ont déjà sollicité une allocation d’1 milliard de dollars auprès du Congrès, et d’autres pays, comme les pays nordiques s’engagent.
La volonté de changement ne peut se concrétiser sans action. L’AID (Association internationale de développement), en particulier, est à un tournant crucial. Malgré toutes les innovations financières, la réalité est que les ressources disponibles sont limitées et ne peuvent être compensées que par une augmentation substantielle des fonds.