La semaine minière qui s’achève au 28 décembre 2025 s’inscrit dans une atmosphère de fin d’année lourde d’interrogations. La traditionnelle trêve des confiseurs n’a pas apaisé les marchés : elle a plutôt cristallisé les doutes sur l’inflation, la trajectoire des taux et les fragilités géopolitiques. Dans ce climat, l’or s’impose de nouveau comme l’actif-refuge par excellence, tandis que les métaux industriels évoluent de façon plus hétérogène, au gré de la conjoncture et des stocks.
Sur la semaine, le métal jaune s’est apprécié de 3,7 %, portant son record à 4 546,37 dollars l’once (1 once = 31,1 g). « Quand les investisseurs redoutent l’inflation, les crises ou des taux futurs plus bas, l’or redevient naturellement une réserve de valeur », résume un analyste financier basé à Marrakech. Héritier symbolique du “métal de Kankan Moussa”, l’or conserve ainsi son statut dominant dans les périodes d’incertitude monétaire.
À l’inverse, les métaux industriels — cuivre, zinc ou aluminium — restent davantage corrélés à l’activité économique réelle, à la dynamique de l’investissement et aux niveaux de stocks. Le minerai de fer apparaît quasi stable, tandis que le lithium esquisse un rebond après une phase de forte volatilité typique des métaux liés à la transition énergétique.
L’or : recommandations stratégiques
Pour les États africains, l’enjeu est clair : sécuriser la rente. À ces niveaux de prix, chaque gramme échappant à la traçabilité, chaque circuit de contrebande ou chaque flou fiscal se traduit par un manque à gagner budgétaire significatif.
Pour les investisseurs, la discipline prime : privilégier les producteurs à coûts maîtrisés et les projets avancés (permis, financement, infrastructures), tout en évitant les juniors purement “narratives”, dépourvues de ressources certifiées.
Zinc — le métal anti-rouille
Côté zinc, le prix de référence LME cash s’établit à 3 086,50 $/t, en hausse hebdomadaire de 1,5 %. Utilisé principalement pour galvaniser l’acier, le zinc est étroitement lié à la construction, aux infrastructures et à l’énergie.
États africains : encourager la transformation locale (du concentré vers le métal ou les alliages) et intégrer des obligations d’achats locaux dans les contrats miniers.
Investisseurs : surveiller les chaînes construction-énergie ; lorsque l’infrastructure repart, le zinc suit généralement.
Minerai de fer — le thermomètre de l’acier
Le minerai de fer (62 % Fe CFR Chine) s’échange autour de 106,99 $/t, quasi inchangé sur la semaine. Dépendant directement de la production d’acier, il reste sensible au ralentissement de l’immobilier et des grands chantiers.
États africains : sécuriser des contrats d’offtake de long terme et investir dans le triptyque mine-rail-port, sans lequel la ressource demeure inexportable.
Investisseurs : privilégier les projets à faible coût logistique ; sur ce marché, la logistique “fait le prix”.
Aluminium — léger mais énergivore
L’aluminium progresse modestement à 2 916 $/t (+0,7 %). Omniprésent dans le transport, l’emballage ou les câbles, il reste fortement dépendant du coût de l’électricité.
États africains : transformer l’avantage bauxite-hydroélectricité en filière intégrée (bauxite → alumine → aluminium).
Investisseurs : cibler les projets combinant énergie compétitive et métal ; sans cela, l’aluminium devient un pari fragile.
Bauxite — le minerai de l’aluminium
Stable à 68,5 $/t CIF Guinée, la bauxite rappelle une réalité souvent oubliée : elle n’est pas l’aluminium. La valeur se concentre dans l’alumine et l’électrolyse.
États africains : imposer progressivement des jalons de raffinage local et des exigences en infrastructures.
Investisseurs : préférer les projets adossés à des raffineries, moins exposés au risque “tout-export brut”.
Cuivre — le nerf de l’électrification
Le cuivre grimpe à 12 070 $/t (+1,9 %). Métal clé des réseaux électriques, des moteurs et des data centers, il incarne la convergence entre croissance et transition énergétique.
États africains, notamment en Zambie et en République démocratique du Congo : attirer le raffinage et la fabrication locale pour capter plus d’emplois et stabiliser les recettes.
Investisseurs : accepter la volatilité de court terme, mais viser le long terme avec des actifs proches de la production et bien raccordés.
Lithium — le plus volatil des métaux de la transition
Le carbonate de lithium en Chine remonte autour de 111 900 CNY/t (+3 %). Marché jeune et hypersensible aux annonces industrielles, il reste sujet à de brusques retournements.
États africains : verrouiller des contrats équilibrés (contenu local, transparence, clauses de prix) et viser au minimum le pré-raffinage.
Investisseurs : rester disciplinés ; le lithium sanctionne sévèrement les achats “au sommet”.
Volet Afrique — six signaux à suivre
Guinée — “Doumbouya capitalise sur la mine”
À l’approche de l’échéance électorale annoncée au 28 décembre 2025, le président de transition Mamadi Doumbouya met en avant ses réformes minières. Contrôle accru de l’État, accélération des dossiers : le message est clair — souveraineté, recettes et emplois. Mais la concentration du pouvoir nourrit une prime de risque pays persistante.
Soudan — “La logistique de la guerre”
Le conflit s’alimente par des routes et hubs logistiques extérieurs, prolongeant l’instabilité et brouillant la traçabilité des flux, notamment d’or artisanal. Le risque est double : sécuritaire et réputationnel, avec l’ombre des sanctions et des circuits opaques.
République centrafricaine — “Or, influence et politique”
Les ressources minières restent imbriquées dans les alliances sécuritaires. Lorsque la sécurité dépend d’acteurs extérieurs, l’accès aux ressources devient une monnaie d’échange, au détriment de la gouvernance et de l’image du pays.
Mali — “Barrick reprend la main”
Après un long bras de fer réglementaire et financier, Barrick a repris le contrôle opérationnel de son site aurifère. Le signal est clair : la négociation demeure possible, mais l’État n’hésite plus à actionner des leviers judiciaires et administratifs.
Mali — “Restitution de l’or saisi”
La restitution judiciaire de trois tonnes d’or marque une décrispation partielle. L’État cherche à accroître sa part de rente, tandis que les opérateurs visent avant tout la continuité de production.
Guinée — “Bauxite : domination et pression”
Conakry maintient sa ligne : exporter, oui, mais monter en gamme. Premier fournisseur de la Chine, la Guinée place licences, contenu local et raffineries au cœur des négociations à venir.
En filigrane, cette lettre minière confirme un message central : dans un monde incertain, l’or reste le baromètre de la peur, tandis que les métaux industriels racontent, chacun à leur manière, l’état réel — et souvent contrasté — de l’économie mondiale et africaine.

