Casablanca, 5 novembre 2025 — Pour une fois, les chiffres parlent plus fort que les slogans. 1200 délégués, 40 pays, 30 panels, quatre gouverneurs de banque centrale, une poignée d’accords structurants totalisant près de 500 millions de dollars, et un message unique : l’Afrique n’a pas un problème d’argent, mais d’audace.
Le quorum, dirait-on dans les enceintes feutrées de Davos, était « largement atteint ». Sauf qu’ici, sur les rives de Casablanca, l’Africa Financial Industry Summit (AFIS) n’a pas cherché à imiter la Suisse : il a tenté d’imposer sa propre grammaire financière. Celle d’un continent qui entend mobiliser son épargne domestique, structurer ses instruments, et — horresco referens — cesser de tendre la main.
Le continent à la croisée des capitaux
Le thème du cru 2025 — « Libérer la puissance financière de l’Afrique » — ne relève plus de l’incantation. L’Afrique génère près de 2 600 milliards de dollars de PIB, abrite plus de 600 milliards d’épargne locale et détient, via ses fonds de pension, ses assureurs et ses diasporas, une manne encore sous-exploité. Il y a dix ans, on parlait souverain wealth funds à l’africaine ; aujourd’hui, on structurerait presque des fonds de souveraineté de flux.
IFC a montré l’exemple : 310 millions de dollars mobilisés, dont 250 millions en partage de risques avec Saham Bank et 50 millions pour Suez Canal Bank. Proparco et l’Union européenne ont, eux, dégainé 178 millions d’euros de garantieset 7,8 millions d’euros d’assistance technique. De quoi rappeler que les partenaires du Nord ne désertent pas, mais qu’ils entendent désormais co-investir, pas subventionner.
Quatre gouverneurs, quatre priorités, un constat
La clôture valait amphithéâtre de polytechniciens :
- BCEAO : « Les banques doivent cesser de vivre des dépôts publics ». Autrement dit : moins d’État-dépendance, plus de marchés.
- Angola : l’intelligence artificielle entre à la banque centrale. Fin de la rente de l’expertise humaine ; les données gouverneront.
- Congo : le saut technologique plutôt que la nostalgie industrielle. Sauter les étapes devient doctrine.
- Ouganda : vers une finance ESG africanisée, où le maïs et le cacao comptent autant que le carbone.
Si l’Afrique cherche encore son « modèle », elle a désormais une boussole : l’innovation financière comme accélérateur macroéconomique.
Casablanca, pivot assumé
Deuxième année consécutive au Maroc — et un message clair : Casablanca assume sa centralité financière nord-sud. L’ambition : devenir le hub de capitaux africains hybrides — domestiques, continentaux et internationaux — avec une discipline budgétaire devenue rare au sud de Tanger.
Le relais se jouera à Kigali, lors de l’Africa CEO Forum. Deux capitales, un récit : un continent qui arrête de s’excuser.
La leçon finale
L’Afrique n’a pas « manqué le rendez-vous de la mondialisation ». Elle a simplement trop longtemps délégué son développement au monde. AFIS 2025 aura rappelé une évidence : l’avenir ne se finance pas à Washington, mais à Dakar, Lagos, Nairobi, Abidjan et Casablanca.
Le monde ne nous doit plus rien.
Nous nous devons à nous-mêmes.
Après des décennies à réclamer du capital, voici l’Afrique qui le découvre dans ses propres poches. Il était temps.

