Depuis près de trente ans, Pankaj Oswal incarne un véritable symbole de persévérance et de tenacité : un entrepreneur qui a bâti, à partir de rien, un empire de plusieurs milliards de dollars, couvrant les secteurs de l’exploitation minière, de l’énergie et de l’industrie sur trois continents. Aujourd’hui, cet industriel fier de ses origines indiennes transmet cet héritage à ses filles, Vasundhara et Riddhi Oswal, alors que la famille ouvre un nouveau chapitre de son histoire, consacré à la transition énergétique du continent africain.
Le pari du potentiel encore inexploité de l’Afrique
Le parcours entrepreneurial de Pankaj Oswal est marqué par des paris audacieux et une résilience à toute épreuve. À une époque où peu d’investisseurs internationaux osaient s’aventurer en Guinée, il a su percevoir du potentiel là où d’autres ne voyaient que des risques. Dès 2013, à travers Axis Minerals, il a investi dans le secteur de la bauxite en Guinée, bien avant que le pays ne devienne un acteur clé de la chaîne d’approvisionnement mondiale en aluminium, un métal essentiel aux infrastructures d’énergies renouvelables, aux véhicules électriques et à la construction.
« J’ai investi en Guinée à une époque où très peu d’investisseurs s’y intéressaient », se souvient Oswal. « Il n’y avait alors aucun projet d’envergure dans la région de Boffa. Je croyais au potentiel de la région à long terme et à l’État de droit pour protéger cet investissement. »
Cette vision a porté ses fruits. Malgré l’épidémie d’Ebola, l’instabilité politique, la pandémie de COVID-19 et d’importants défis logistiques, Axis Minerals est devenue en 2020 le deuxième producteur de bauxite du pays, employant plusieurs milliers de personnes et contribuant à positionner le pays comme un contributeur majeur à la chaîne d’approvisionnement mondiale en technologies propres. Depuis 2020, l’entreprise a exporté plus de 40 millions de tonnes de bauxite. Mais en mai 2025, le permis d’exploitation de la société a été brutalement révoqué par la junte guinéenne – une décision qu’Oswal qualifie de « choc ».
« Du jour au lendemain, nos opérations ont été interrompues. Nos 5 000 employés et sous-traitants se sont retrouvés sans travail », explique-t-il. « Nous n’avons reçu aucun avertissement, aucune lettre, ni eu aucune discussion nous demandant de corriger quoi que ce soit. »
Axis Minerals a depuis engagé une procédure d’arbitrage international à New York pour un montant de plus d’un milliard de dollars américains. Ce combat illustre la profonde conviction de Pankaj Oswal en l’intégrité contractuelle et en le respect de l’État de droit, des principes qu’il juge essentiels au développement de n’importe quel pays.
« L’exploitation minière requiert de la patience et de la confiance », souligne-t-il. « Il faut croire que l’environnement d’investissement restera stable pendant des décennies. En tant qu’entrepreneurs, notre seule arme est le pouvoir des contrats et le respect de la loi. »
Une nouvelle génération prend le relais
Alors que Pankaj Oswal continue de défendre l’héritage du groupe en Guinée, ses filles, Vasundhara et Riddhi, orientent désormais la vision familiale vers l’est du continent, au cœur des industries émergentes du biocarburant et des mines. Âgée de 27 ans, Vasundhara Oswal dirige PRO Industries, le plus grand producteur d’éthanol d’Afrique de l’Est, installé à Luwero, en Ouganda. Son usine, un complexe de 100 millions de dollars combinant la production d’éthanol et la capture de CO₂, inaugurée en octobre 2024, joue déjà un rôle clé dans la souveraineté énergétique et la stratégie agricole du pays.
Après avoir obtenu une licence en finance avec mention d’une université en Suisse, Vasundhara Oswal a fait le choix audacieux d’intégrer des secteurs traditionnellement masculins : la pétrochimie et les mines. Sa sœur, Riddhi Oswal, a, pour sa part, étudié le génie chimique à University College London (UCL), reflétant l’engagement familial envers l’excellence technique et managériale, tout en participant à l’expansion du groupe familial. En seulement trois ans, Vasundhara a contribué à la direction de l’une des plus grandes mines de bauxite d’Afrique de l’Ouest et de la plus importante usine d’éthanol d’Afrique de l’Est. Ces réussites font d’elle l’une des jeunes dirigeantes industrielles les plus prometteuses du continent.
Sous sa direction, PRO Industries s’est imposée comme un pilier des ambitions énergétiques vertes de l’Ouganda. L’entreprise produit chaque jour 120 000 litres d’alcool extra neutre (ENA) et 35 000 litres d’éthanol carburant, tout en se distinguant par ses innovations en matière de durabilité : le recyclage des eaux usées en « zéro rejet liquide » et la capture du carbone pour le secteur des boissons, deux premières dans le pays.
« Nous voulions prouver que des normes environnementales de classe mondiale peuvent être atteintes en Afrique », affirme Vasundhara Oswal. « Cette usine ne concerne pas seulement le carburant — il s’agit d’instaurer la confiance dans la capacité des industries locales à mener la transition verte. »
Sa stratégie s’inscrit dans le cadre du Biofuels Act 2020 de l’Ouganda, qui impose, à partir de janvier 2026, l’incorporation d’éthanol produit localement dans tous les carburants du pays. Cette politique ambitieuse devrait permettre de réduire la facture annuelle d’importation de carburants, estimée à 2 milliards de dollars, tout en réduisantla dépendance au pétrole étranger et en libérant des ressources publiques pour l’éducation, la santé et les infrastructures.
« L’indépendance énergétique est le fondement du développement », souligne-t-elle. « L’Ouganda ne devrait pas importer ce qu’il peut produire de manière durable et locale. Chaque litre d’éthanol que nous produisons contribue à conserver la valeur dans le pays — et en Afrique. »
L’usine emploie plus de 500 personnes, dont 80 % de ressortissants ougandais, et s’approvisionne en maïs auprès de centaines d’agriculteurs locaux, renforçant ainsi les moyens de subsistance ruraux. Pour Vasundhara, il ne s’agit pas seulement d’un projet d’entreprise, mais d’une vocation personnelle.
« Mon père m’a appris que l’entrepreneuriat ne consiste pas à extraire de la valeur, mais à en créer », confie-t-elle. « L’Afrique dispose des ressources et des talents nécessaires. Ce qu’il lui faut, c’est la confiance et l’audace. Le continent doit mobiliser davantage d’investissements privés pour atteindre les Objectifs de développement durable et accélérer sa transformation économique ».
Bâtir l’avenir industriel de l’Afrique
Ensemble, les Oswal incarnent une alliance rare entre héritage et innovation : une génération qui a posé les fondations industrielles et la suivante menant la transformation verte. Leur groupe, Oswal Global, emploie plusieurs centaines de personnes à travers l’Afrique, l’Asie et l’Europe, avec des activités diversifiées dans les mines, le textile, l’immobilier et la production manufacturière. Mais père et filles l’affirment : l’Afrique reste au cœur de leurs ambitions.
« Peu d’endroits au monde offrent une telle opportunité d’avoir un impact durable », observe Pankaj Oswal. « L’Afrique n’est pas seulement un marché : c’est le prochain moteur de croissance mondiale. Les investisseurs qui l’auront compris façonneront le siècle à venir. »
Cette conviction guide désormais leurs nouveaux projets, notamment dans les secteurs des mines et de l’agriculture en Tanzanie. À long terme, la famille vise la création d’un écosystème industriel intégré – de l’extraction minière à la transformation énergétique – capable d’alimenter à la fois l’Afrique et le monde dans la transition vers une économie bas-carbone.
Au cœur de cette stratégie se trouve l’aluminium, issu de la bauxite. Alors que la planète accélère vers les énergies renouvelables, la demande en aluminium, indispensable aux panneaux solaires, aux éoliennes et aux véhicules électriques, s’annonce en forte hausse. Les opérations d’Axis Minerals, bien que suspendues, demeurent un maillon essentiel de cette stratégie.
« La bauxite n’est pas seulement un minerai : c’est un pilier fondamental de la transition énergétique », insiste Pankaj. « Notre travail en Guinée a contribué directement à la décarbonation mondiale — et y contribuera de nouveau »
Un héritage de ténacité, de leadership et de vision
Du premier investissement audacieux de Pankaj Oswal en Guinée au projet pionnier d’éthanol de Vasundhara en Ouganda, le parcours des Oswal en Afrique est une odyssée de persévérance et de continuité générationnelle. Ce sont des entrepreneurs qui refusent de se laisser freiner par les défis – qu’il s’agisse de l’instabilité politique, des vents contraires du marché ou des stéréotypes de genre – et qui continuent de miser sur le formidable potentiel du continent africain.
« On ne dirige pas depuis une boardroom », confie Vasundhara. « Il faut être sur le terrain, voir, écouter, travailler aux côtés de ses équipes. C’est là que naît le vrai leadership. Nous ne voyons pas l’Afrique comme une difficulté, mais comme une opportunité d’innover, d’autonomiser et de bâtir des industries durables. »
Alors que les Oswal étendent leur présence à travers le continent, leur aventure illustre une tendance plus large : le renforcement de l’interdépendance économique entre l’Inde et l’Afrique, dont les échanges commerciaux bilatéraux ont dépassé pour la première fois 100 milliards de dollars en 2025. Cette relation, fondée sur une ambition industrielle partagée et une croissance conjointe, ouvre la voie à une nouvelle génération d’investisseurs privés et de conglomérats familiaux tournés vers des projets durables et à long terme en Afrique.
Le passage de relais entre Pankaj et ses filles, Vasundhara et Riddhi, marque à la fois une transition générationnelle et un virage stratégique vers les énergies propres, en phase avec la volonté africaine de souveraineté énergétique et de responsabilité environnementale. Leur trajectoire, du textile en Inde aux usines d’éthanol en Ouganda, en passant par les mines de Guinée, illustre à la fois toute la complexité et la promesse de la coopération Sud–Sud.
En définitive, l’histoire des Oswal offre un aperçu d’un paysage d’investissement en mutation : un paysage où les capitaux, un leadership ancré et la coopération régionale reconfigurent discrètement l’avenir de l’industrie africaine.

