La cinquième édition de l’Africa Financial Industry Summit (AFIS) s’est ouverte, le 3 novembre à Casablanca, sur un constat clair : « L’Afrique n’a pas un problème de capital », a lancé son initiateur, Amir Ben Yahmed, patron du Groupe Jeune Afrique. Le continent dispose de ressources, d’épargne et d’investisseurs. Ce qui fait encore défaut, c’est la capacité à mobiliser ce capital, structurer des projets d’envergure, créer des mécanismes de garantie endogènes et, surtout, croire en son propre potentiel.
Dans un environnement mondial traversé par des tensions géopolitiques, une volatilité financière persistante, des marges budgétaires réduites et l’irruption de l’intelligence artificielle comme rupture systémique, le directeur général de l’IFC, Mathar Diop, a dressé un diagnostic lucide : dette élevée, financement public sous pression, intervention publique limitée. « L’État ne peut plus financer seul le développement », a-t-il averti. Le relais doit venir du secteur privé, via la mobilisation de l’épargne domestique et la consolidation des marchés financiers locaux.
L’IFC se dit prête à accompagner ce mouvement. Ses engagements ont doublé, son volume d’activité atteint 74 milliards de dollars et une montée en puissance est prévue d’ici 2030. L’institution du Groupe Banque mondiale investit de plus en plus en monnaie locale, renforce ses capacités de garantie à travers la plateforme Unify Guaranty, et cible des secteurs stratégiques comme l’agriculture et les collectivités locales. Message aux banques africaines : « Donnez-nous l’information pour que nous puissions apporter de l’equity. »
Pays hôte, le Maroc a été mis en lumière comme modèle d’exécution et de stratégie d’investissement disciplinée. La ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, a salué la victoire diplomatique du Royaume à l’ONU sur la question du Sahara, avant de recentrer le débat sur l’essentiel : orienter le financement vers le développement. Avec une croissance attendue de 4,8 %, une inflation contenue à 1 % — « merci Bank Al-Maghrib », a-t-elle glissé en direction du gouverneur Abdellatif Jouahri — et un retour au rang investment-grade, le Maroc revendique une trajectoire crédible. « La vraie question n’est pas seulement la croissance, mais ce que nous en faisons », a-t-elle martelé.
En rappelant que l’Afrique épargne près de 500 milliards de dollars par an, la ministre a souligné l’incohérence structurelle : 80 % des transactions intra-africaines se font encore en devises internationales, renchérissant les coûts et alimentant la vulnérabilité financière. D’où son appel à la mise en place de mécanismes africains de garantie, de pools régionaux d’assurance, d’ingénierie financière panafricaine et d’inter-opérabilité des bourses africaines. Certains pays empruntent encore avec 300 points de base de plus que la moyenne mondiale — une anomalie qu’une architecture financière concertée pourra corriger. Citant Sa Majesté le Roi Mohammed VI — « Le financement du développement en Afrique nécessite une action collective » — elle a rappelé une évidence stratégique : « L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique. »
Derrière les discours, le cap est fixé : transformer l’épargne africaine en croissance, structurer des projets continentaux, créer des outils souverains de financement. Non pas chercher ailleurs des ressources, mais organiser celles qui existent déjà. Place à l’ambition, à l’exécution et au leadership. L’AFIS 2025 s’ouvre donc sur une conviction : le capital suivra l’Afrique si l’Afrique suit sa propre ambition.
La séance inaugurale s’est poursuivie par un panel intitulé « Débloquer la puissance financière africaine ». Aigboje Aig-Imoukhuede, président de Access Bank PLC, a plaidé pour « dé-risquer » le marché africain. Jules Ngankam (African Guarantee Fund) a rappelé que les coûts de transaction constituent le premier frein pour les PME. Jérémy Awori a insisté sur la perception du risque : les 100 premières banques africaines cumulent 126 milliards de dollars de capital, soit moins qu’une seule grande institution internationale. Conclusion : les fonds de pension doivent investir davantage dans les banques africaines et les marchés de capitaux doivent être renforcés.
Ethiopis Tafara, vice-président Afrique de l’IFC, a abondé dans le même sens : « L’essentiel, c’est l’equity. » Nadia Fettah a clôturé l’échange avec un appel à l’action collective : « Nous devons continuer à travailler ensemble. Les PME doivent être soutenues. Nous avons besoin de champions pour changer le narratif. Mobiliser nos ressources, travailler mieux, plus vite et plus fort. »

