Avec près de 90 % des suffrages, Alassane Ouattara s’offre un quatrième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire, confirmant son rôle de garant de la stabilité politique et économique du pays. Les cinq prochaines années sont d’ores et déjà placées sous le signe de la continuité et de la transmission, visant à pérenniser les réformes engagées depuis 2011 et à passer progressivement le flambeau à une nouvelle génération d’administrateurs.
Sans surprise, le président sortant Alassane Ouattara vient de remporter un quatrième mandat consécutif à la tête de la Côte d’Ivoire en recueillant quelque 89,77 % des voix. Après les deux triomphes de 2015 et 2020, il peut donc se targuer d’un troisième plébiscite de rang, gagné dès le premier tour ; le scrutin plus serré de 2010 ayant débouché sur une crise politique qui avait fait près de 3 000 victimes. Une nouvelle victoire que ses adversaires présentent toutefois comme plus indécise, en raison du taux de participation en baisse. Ce taux, évalué à 50,10 %, est ainsi comparé aux 53,90 % de 2020, tandis que les 89,77 % des suffrages sont mis en regard des 94,27 % qu’Alassane Ouattara avait récoltés lors de la dernière consultation aux urnes. Pris tels quels, ces chiffres donnent, en effet, l’impression d’une victoire moins éclatante que les précédentes.
Pourtant, en valeur absolue, le décompte des votes dresse un portrait plus contrasté de la dernière élection et témoigne d’un appui renouvelé à l’administration présidentielle. Selon la Commission électorale indépendante, le président reconduit aurait ainsi rallié plus de 700 000 bulletins supplémentaires par rapport à 2020, passant de 3 031 483 à 3 759 030 voix en 2025. Quant au taux de participation, s’il a baissé en pourcentage, il dissimule le million de personnes de plus qui s’est rendu aux urnes cette année, le nombre de votants passant de 3,2 millions à plus de 4,2 millions. Une progression qui s’explique notamment par la hausse du nombre d’inscrits — la croissance démographique en Côte d’Ivoire est en moyenne de 2,5 % depuis 2020 — mais aussi par la stabilité des résultats du RHDP, y compris dans les fiefs de l’opposition à l’ouest et au sud du pays.
Pour beaucoup d’Ivoiriens, le président Ouattara, à 83 ans, est apparu plus que jamais comme le garant de l’ordre institutionnel et des acquis des réformes structurelles engagées depuis son arrivée au pouvoir. Il reste celui qui a contribué « à asseoir le pays en locomotive économique de l’UEMOA », comme l’explique Émilie Laffiteau, macroéconomiste et chercheuse associée à l’IRIS. Faute d’alternative crédible, les résultats du 25 octobre reflètent moins une lassitude qu’une forme de résignation pragmatique chez une partie de l’électorat. Enlisée dans ses propres clivages et trop morcelée, l’opposition s’est montrée incapable de proposer un véritable contre-projet politique. Dans les salons d’Abidjan, l’heure n’est déjà plus à la contestation, mais à l’énigme de la succession d’Alassane Ouattara.
Un mandat sous le signe de la transmission
Pour Alassane Ouattara, ce quatrième mandat se veut moins un prolongement qu’une phase de consolidation et de transmission. Le chef de l’État, conscient de l’usure du temps et de l’attente d’un renouvellement générationnel, s’est lui-même présenté comme le garant d’un passage de témoin capable de préserver les acquis de stabilité et de croissance tout en insufflant un nouvel élan. « Nous pourrons consolider les acquis et nous continuerons à améliorer le quotidien de nos compatriotes, notamment les plus vulnérables. Nous poursuivrons l’œuvre de développement afin que notre pays continue sur la voie de la paix, de la stabilité et de la prospérité », avait-il déclaré lors du lancement de la campagne du RHDP en juillet. Une stratégie baptisée « transmission générationnelle » dont la finalité est de refermer, à terme, le long cycle politique ouvert depuis la fin de la guerre civile, et de tourner la page d’une génération de dirigeants marquée par les crises successives des années 2000.
Sur le plan économique, l’ancien directeur adjoint du FMI entend poursuivre la diversification de l’économie qui a permis à la Côte d’Ivoire d’enregistrer une croissance moyenne plafonnant à plus de 6 % depuis quinze ans. Si les cultures de rente — cacao, anacarde, caoutchouc — demeurent la base de la richesse nationale, le pays a en effet étendu ses pôles de compétitivité vers l’exploitation minière et pétrolière (avec la mise en production du champ Baleine), l’agro-industrie, les télécoms, le BTP et les services financiers. Cette transformation s’est appuyée sur d’importants investissements publics dans les infrastructures — routes, ponts, ports, énergie, métro d’Abidjan — qui ont amélioré le climat des affaires et fait de la Côte d’Ivoire l’un des moteurs de la croissance d’Afrique de l’Ouest.
Dans un contexte encore marqué par les inégalités et le chômage des jeunes, la réélection d’Alassane Ouattara se détache comme un gage d’une continuité apaisée et d’un cap maintenu vers la modernisation de la Côte d’Ivoire. Si les défis demeurent nombreux — dépendance persistante à la volatilité des marchés de matières premières, pauvreté touchant un tiers de la population, retard en matière d’infrastructures, d’éducation et de santé, poids de l’économie informelle —, la stabilité politique et la vision réformatrice du chef de l’État nourrissent l’espoir d’une croissance qui profite à tous. Un nouveau mandat qui s’annonce donc décisif, tant pour la consolidation des acquis que pour la transmission d’un héritage qui puisse garantir la pérennité du « miracle ivoirien ».

