Dans les heures qui ont suivi la proclamation des résultats de l’élection présidentielle ivoirienne de 2025, un chiffre a saturé les plateaux télévisés et les colonnes des journaux : 50,10 %. C’est, nous expliquait-on, le taux de participation. Aussitôt, certains commentateurs y ont vu la preuve d’une démobilisation électorale, comparant ce pourcentage aux 53,90 % de 2020. Pourtant, cette lecture superficielle ne raconte pas la réalité du scrutin.

Derrière ce pourcentage se cache une donnée fondamentale : le nombre réel de votants. En 2020, 3 269 813 électeurs s’étaient rendus aux urnes. En 2025, ils sont 4 292 474, soit plus d’un million d’Ivoiriens supplémentaires. Jamais dans l’histoire de la Côte d’Ivoire autant de citoyens ne s’étaient exprimés lors d’une élection présidentielle. « Dans des pays en expansion démographique, la mécanique mathématique dilue forcément les pourcentages. Ce qui compte, c’est le volume de citoyens qui exercent leur droit. Et, sur ce point, la Côte d’Ivoire progresse », confie un démographe africain interrogé sur la question.
Cette progression s’explique par plusieurs facteurs : un rajeunissement continu du corps électoral, l’amélioration des dispositifs d’enrôlement biométrique, et une mobilisation renforcée de la diaspora, très présente dans le scrutin de cette année.
Une autre erreur : la lecture du score du président sortant
Autre élément abondamment commenté : le score du candidat Alassane Ouattara serait « en baisse », passant de 94,27 % en 2020 à 89,77 % en 2025. Là encore, les pourcentages, sortis de leur contexte, induisent une fausse perception. Car en nombre de voix, le président sortant progresse nettement : 3 031 483 suffrages en 2020, 3 759 030 en 2025, soit 727 547 électeurs supplémentaires.
Un biais récurrent dans la lecture des élections africaines
Cette confusion entre volumes et ratios est loin d’être propre à la Côte d’Ivoire. Au Nigeria en 2019 ou au Ghana en 2016, des phénomènes similaires avaient déjà nourri des commentaires hâtifs. Pour de nombreux experts en gouvernance électorale, ce problème est presque structurel. Ils observent que, dans les rédactions comme sur les plateaux de débats, on privilégie l’immédiateté du pourcentage. Pourtant, dans les pays du Sud, où la démographie explose, seule l’évolution des volumes permet de mesurer la vitalité démocratique.
En d’autres termes : plus d’électeurs se sont déplacés, plus d’électeurs ont voté pour le sortant.
La démographie change les équations politiques
Entre 2020 et 2025, le nombre d’inscrits sur les listes électorales a fortement augmenté. Dans un tel contexte, le pourcentage de participation peut baisser même lorsque le nombre de votants augmente fortement. C’est une mécanique simple, mais souvent mal comprise.
Une cure de rigueur statistique
Cette élection rappelle avant tout la nécessité d’un regard plus rigoureux sur les scrutins africains. En ignorant les volumes, on fabrique une narration artificielle de désaffection. En les observant, on constate au contraire une dynamique participative et un soutien renforcé.
Pour un expert en gouvernance électorale basé à Nairobi, l’enjeu dépasse la seule Côte d’Ivoire : « Nous devons sortir d’une lecture paresseuse des résultats électoraux. Les pourcentages sont utiles, mais ils ne suffisent jamais. En Afrique, où la démographie bouge vite, seule l’analyse volumique permet de comprendre les tendances politiques. »
Contrairement à l’impression donnée par un simple ratio, la présidentielle ivoirienne de 2025 ne montre pas une baisse d’intérêt citoyen. Elle montre un pays où davantage d’Ivoiriens votent.

