De notre Envoyé spécial à Luanda, Daniel Djagoué
Le 3e Sommet africain sur le financement des infrastructures, ouvert le 28 octobre 2025 à Luanda en Angola, se veut un tournant décisif. Loin des promesses passées, l’Afrique y affirme sa volonté de financer et de gouverner ses propres projets.
« Nous ne sommes pas ici pour parler de chiffres, mais pour construire une Afrique connectée, moderne et résiliente », a déclaré le président angolais João Lourenço, hôte du sommet et président en exercice de l’Union Africaine.
Face à un déficit de financement estimé entre 130 et 170 milliards de dollars par an, le chef de l’État angolais a rappelé que les infrastructures ne sont pas seulement une question d’investissement : elles sont au cœur de la souveraineté et de la compétitivité du continent, a-t-il dit.
Son allocution a été suivie par celle du président togolais, qui a appelé à une « mobilisation du capital africain » pour financer les infrastructures. « Nous devons bâtir un modèle dans lequel les capitaux africains – publics, privés, institutionnels – deviennent le socle de notre développement », a déclaré Faure Essozimna Gnassingbé.
Le président togolais a insisté sur la nécessité pour les États de renforcer la confiance entre les acteurs publics et les investisseurs du continent, estimant que « l’Afrique dispose déjà des ressources nécessaires ; il faut désormais les canaliser efficacement vers les projets structurants ».
Cette intervention, saluée par les délégations, a donné le ton d’un sommet axé sur la responsabilité africaine dans la transformation de ses économies.
La directrice générale de l’AUDA-NEPAD, Nardos Bekele-Thomas, a ensuite livré un message sans détour : « Le financement des infrastructures n’est plus une option : il est existentiel. »
Le continent perd jusqu’à 2 % de PIB par an faute d’infrastructures adéquates, a-t-elle indiqué. Et d’annoncer la création d’un fonds de 1,5 milliard de dollars dédié aux projets transfrontaliers, dont 100 millions pour la préparation des dossiers : « Nous devons passer du diagnostic à la livraison », a-t-elle martelé, soulignant que seule une coordination panafricaine permettra de débloquer les milliards nécessaires.
De son côté, Mahamoud Ali Youssouf, président de la Commission de l’Union africaine, a replacé le débat sur le terrain politique : « Le financement des infrastructures n’est pas un sujet technique, il est profondément stratégique. Notre unité dépend de notre capacité à bâtir et financer nos propres réseaux. »
Le diplomate djiboutien a plaidé pour un Pacte continental pour le financement des infrastructures africaines, articulé autour de trois axes : la mobilisation des ressources africaines et des fonds souverains ; la valorisation du secteur privé continental ; et un accès accru aux financements climatiques mondiaux.
L’objectif du sommet est clair : accélérer la mise en œuvre du PIDA-PAP 2 (2021-2030), un portefeuille de 69 projets stratégiques représentant 160 milliards de dollars, colonne vertébrale de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Pour de nombreux observateurs, Luanda 2025 symbolise un basculement : celui d’une Afrique qui ne veut plus dépendre de financements extérieurs, mais qui structure sa propre finance souveraine.
« Quand l’Afrique est claire, le capital vient », a résumé Nardos Bekele-Thomas, citée par plusieurs médias.
Dans les salles de travail du sommet, les « deal rooms » s’enchaînent : corridors ferroviaires, interconnexions énergétiques, infrastructures numériques. Derrière chaque projet, la même conviction : l’Afrique ne peut plus attendre.

