“Le WASFIF 2025 sera le moment de vérité pour la finance durable en Afrique de l’Ouest»
À la veille du WASFIF 2025, prévu ,prévu les 30 et 31 octobre à Dakar Financial Afrik s’est entretenu en exclusivité avec Badanam Patoki, président de l’Autorité des marchés financiers de l’UMOA (AMF-UMOA). Dans cet entretien, le régulateur met en perspective les défis et les opportunités d’une finance durable en Afrique de l’Ouest. Il annonce un tournant décisif pour la région, où la transparence, la mobilisation du capital vert et l’intégration régionale devront passer du discours aux actes.
Monsieur le Président, quelle est la vision qui a guidé la création du WASFIF et comment cette deuxième édition s’inscrit-elle dans la continuité de la première ?
Le WASFIF est né de la conviction que la transformation économique de l’Afrique de l’Ouest doit s’appuyer sur une finance durable, inclusive et souveraine. La première édition, à Abidjan en 2023, a permis de mobiliser l’écosystème autour d’une même ambition. La seconde, à Dakar, franchit une étape décisive, elle vise à institutionnaliser la finance durable au cœur des politiques publiques et des stratégies d’investissement. Nous passons d’un forum d’idées à un forum d’engagement et d’action.
Le WASFIF 2025 intervient dans un contexte de transitions écologique et économique. Comment l’AMF-UMOA conçoit-elle son rôle dans la promotion de la finance durable ?
Notre rôle est d’être catalyseur et garant. Catalyseur, en soutenant l’innovation financière à impact ; garant, en assurant la transparence et la crédibilité du marché. La finance durable n’est pas une mode, c’est une nécessité structurelle pour garantir la résilience de nos économies.
À l’AMF-UMOA, nous travaillons à intégrer les critères ESG dans les pratiques du marché, tout en veillant à ce que les instruments financiers soutiennent effectivement des projets à impact social et environnemental positif. L’objectif est donc d’orienter les flux financiers vers des investissements à impact, capables de créer de la valeur tout en préservant l’environnement et la cohésion sociale.
Comment l’Afrique de l’Ouest peut-elle se positionner comme un hub continental de la finance durable ?
Notre région dispose de solides atouts : une monnaie commune, une architecture financière intégrée et des institutions de régulation robustes.
Ces éléments constituent un socle unique en Afrique. Nous devons maintenant les mettre au service de la transition verte. Cela passe par une mobilisation accrue des capitaux régionaux, la standardisation des pratiques ESG, et le développement d’instruments financiers innovants, accessibles aux investisseurs internationaux comme aux acteurs locaux.
C’est ainsi que l’UEMOA pourra devenir un pôle de référence pour la finance durable africaine.
Les obligations vertes, sociales et durables connaissent une forte dynamique dans la région. Quelles sont les tendances et priorités à ce sujet ?
Le marché des obligations durables progresse dans l’espace UEMOA.
Plus de 275 milliards de FCFA ont été mobilisés par des entreprises via les instruments verts, sociaux ou durables, témoignant d’un certain appétit des investisseurs. Cependant, aucun État n’est encore intervenu sur ce segment du marché.
Notre priorité est désormais d’élargir la base d’émetteurs, de mettre en place un cadre de reporting extra-financier harmonisé et de travailler à l’amélioration de la liquidité du marché secondaire.
À travers le WASFIF, nous voulons consolider cet élan et faire de la région un marché régional de référence pour les obligations vertes, sociales et durables.
Le document préparatoire du Forum évoque une “transition de l’aide vers les marchés de capitaux”. Comment cette transformation s’opère-t-elle ?
Il s’agit d’un changement de paradigme.
L’Afrique de l’Ouest doit progressivement passer d’un modèle de dépendance à l’aide publique vers un modèle fondé sur l’investissement et la création de valeur locale.
Nos marchés de capitaux offrent aujourd’hui un cadre de financement crédible, régulé et intégré.
En mobilisant les investisseurs institutionnels, les fonds de pension et les banques régionales, nous pouvons financer la transition durable de nos économies tout en réduisant la vulnérabilité aux chocs extérieurs. C’est un mouvement vers la souveraineté financière, que le WASFIF 2025 vient accélérer.
Le WASFIF 2025 n’est pas seulement un forum, c’est un engagement collectif pour refonder la finance ouest-africaine autour de la durabilité, de la transparence et de l’impact
Le WASFIF 2025 réunira des ministres des Finances, des investisseurs institutionnels, ainsi que des acteurs publics et privés. Quels résultats concrets attendez-vous de ces deux journées de dialogue à Dakar ?
Ce Forum est avant tout un espace d’action et de décision.
La présence des ministres des Finances, des régulateurs et des investisseurs de haut niveau permettra d’aligner les visions publiques et privées autour d’un objectif commun : transformer la finance durable en levier de développement concret. Nous voulons que de ces échanges naissent des initiatives mesurables, des partenariats public-privé, et des engagements financiers concrets.
Qu’attendez-vous concrètement de la tenue du WASFIF 2025 à Dakar ?
Le Forum de Dakar doit être un moment de convergence et de décision.
Nous attendons des engagements concrets : de nouvelles émissions d’obligations durables, des annonces de partenariats public-privé, et surtout la mise en œuvre de projets bancables à impact positif. L’un des temps forts sera le Deal Room, véritable place d’affaires du Forum, conçu comme une plateforme de mise en relation directe entre investisseurs et porteurs de projets. Notre ambition est de transformer les discussions en solutions. C’est cela, le sens du WASFIF 2025, un passage du dialogue à la transaction.
Quelle est la place de la Banque Mondiale et des autres partenaires dans cette initiative ?
La Banque mondiale est un partenaire stratégique du WASFIF depuis sa création.
Son appui technique et institutionnel renforce la crédibilité de notre démarche et favorise l’alignement avec les standards internationaux. Mais au-delà de la Banque mondiale, nous travaillons aussi avec des partenaires techniques comme le PIDG et le FSD AFRICA. Sur le plan régional avec les Institutions sous régionales la BOAD, la BCEAO, la Commission de l’UEMOA, la BRVM..
C’est un effort collectif qui montre que la finance durable est désormais un langage commun entre acteurs africains et internationaux.
En quoi le WASFIF peut-il transformer durablement les pratiques du secteur financier régional ?
Le Forum agit comme un accélérateur de changement, un laboratoire de transformation.
En rapprochant acteurs publics, privés et institutionnels, régulateurs, investisseurs et émetteurs, il permet de diffuser une culture de la durabilité à tous les niveaux du système financier.
Il contribue aussi à accélérer la professionnalisation du marché, à diffuser la culture ESG et à encourager la création d’outils financiers adaptés à nos réalités, grâce aux ateliers préparatoires et aux sessions de partage d’expérience. Cette démarche collective permettra de bâtir un marché financier plus transparent, plus inclusif et plus durable.
Quels sont, selon vous, les principaux leviers pour faire de la finance durable un pilier de la croissance inclusive dans l’UEMOA ?
Trois leviers me semblent essentiels :
- l’intégration des critères ESG dans les décisions d’investissement publiques et privées ;
- l’innovation financière, avec le développement de produits répondant aux besoins de nos entreprises et populations ;
- et surtout, la coopération régionale, qui permet de mutualiser les efforts et de créer une masse critique d’acteurs engagés.
La finance durable ne se décrète pas, elle se construit pas à pas, par la confiance et la régulation.
Enfin, quel message souhaitez-vous adresser aux acteurs économiques et financiers qui participeront au WASFIF 2025 ?
Je veux leur dire que le temps n’est plus à l’attente, mais à l’action.
L’Afrique de l’Ouest a tout pour réussir : une jeunesse dynamique, une énergie créatrice, la stabilité et une vision commune. Le WASFIF 2025 est une opportunité de démontrer que notre région peut conjuguer performance économique et responsabilité sociale.
À travers le Deal Room, les panels et les échanges stratégiques, nous voulons bâtir une communauté d’acteurs convaincus que la durabilité est la clé de la performance.
Je les invite à venir à Dakar non pas comme spectateurs, mais comme partenaires du changement, prêts à bâtir ensemble une finance africaine durable et souveraine.

