Synthèse d’une étude réalisée par Thierry DJEUMO, Consultant International en Stratégie (Ex. McKinsey Paris), Manuella ZAGBA, Experte-Comptable et Directrice Générale du Cabinet DYESE (Photo) et Bassirou DIAO, Expert en Efficacité Opérationnelle, Certifié Master Black Belt Lean Six Sigma.
Alors que le monde des affaires connaît des bouleversements sans précédent, une question essentielle s’impose aux dirigeants africains : quelle place pour l’Afrique dans la nouvelle économie de la performance ?
C’est à cette interrogation que répond une étude de référence signée par Thierry Djeumo, consultant international en stratégie (ex-McKinsey Paris), Manuella Zagba, experte-comptable et directrice générale du cabinet Dyese, et Bassirou Diao, expert en efficacité opérationnelle, certifié Master Black Belt Lean Six Sigma.
Publié sous le titre « Excellence opérationnelle des entreprises africaines : un levier de disruption inexploité », le rapport invite à un sursaut collectif autour d’un constat limpide : les entreprises africaines disposent du potentiel pour devenir des champions mondiaux, à condition de placer l’excellence opérationnelle au cœur de leur stratégie.
La révolution silencieuse des processus africains
Portée par la croissance démographique, la digitalisation et l’émergence d’une classe moyenne urbaine, l’Afrique connaît une mutation économique profonde. De la pandémie de la COVID-19 à la montée en puissance du mobile money, la crise a paradoxalement accéléré une transformation digitale à grande échelle.
Mais, préviennent les auteurs, la « course à la croissance » atteint aujourd’hui ses limites : la complexité organisationnelle, la hausse des coûts et les risques opérationnels freinent la rentabilité et la compétitivité.
L’heure est donc à une refondation des modèles internes.
« L’excellence opérationnelle n’est plus un luxe réservé aux multinationales occidentales. C’est un impératif stratégique pour les entreprises africaines qui veulent s’imposer dans la compétition mondiale », affirment les auteurs.
Un diagnostic sans complaisance
L’étude, menée dans sept pays d’Afrique francophone (Sénégal, Côte d’Ivoire, Cameroun, Gabon, Congo, Togo et Mauritanie), dresse un tableau contrasté.
Près de 89 % des dirigeants interrogés reconnaissent que l’excellence opérationnelle est une priorité stratégique, mais seuls 33 % disposent d’une feuille de route formalisée.
Le constat est sévère :
- 70 % des entreprises n’ont pas de cartographie claire de leurs processus internes ;
- 30 à 40 % du temps de travail est absorbé par des tâches manuelles redondantes ;
- les surcoûts opérationnels atteignent 8 % du chiffre d’affaires ;
- les délais de validation internes restent disproportionnés, freinant la réactivité et la satisfaction client.
« Tout passe par le directeur général, même l’achat d’une cartouche d’encre à 5 000 MRU », confie un industriel mauritanien interrogé dans le rapport.
Ce centralisme, souvent culturel, pèse lourdement sur la productivité et l’innovation.
La conséquence : une exécution lente, coûteuse et vulnérable, alors même que les concurrents asiatiques et européens misent sur la simplification et l’automatisation.
Cinq piliers pour bâtir l’excellence africaine
Les auteurs proposent un cadre adapté aux réalités du continent, articulé autour de cinq piliers fondamentaux :
- Inscription à l’agenda stratégique : intégrer la performance dans la vision long terme.
- Engagement du leadership : donner un sens collectif et une gouvernance claire.
- Optimisation des processus : identifier les goulots d’étranglement et les leviers de productivité.
- Capacités d’innovation et d’implémentation : renforcer la veille technologique et la recherche appliquée.
- Accompagnement et engagement des employés : former, responsabiliser et faire adhérer les équipes.
Ces piliers, loin d’être théoriques, constituent une méthodologie de transformation adaptée aux réalités africaines — où la diversité culturelle, la jeunesse de la population et la coexistence du formel et de l’informel exigent des approches hybrides et pragmatiques.
Du diagnostic à la transformation
Pour Djeumo, Zagba et Diao, la transformation vers l’excellence repose sur une trilogie : « Décrypter – Transformer – Pérenniser ».
Autrement dit, comprendre les failles du modèle actuel, définir des plans d’action concrets et ancrer durablement la culture de performance.
Cette approche séquentielle permet d’aligner stratégie, technologie et capital humain — trois composantes encore trop souvent dissociées dans les organisations africaines.
« Le défi n’est pas l’absence d’idées, mais l’absence de structure pour les faire vivre », résument-ils.
Investir dans le capital humain
L’étude insiste sur un point souvent négligé : la formation continue.
Près de 80 % des dirigeants interrogés reconnaissent un déficit majeur d’accompagnement des employés.
Le manque de programmes de formation, le coût des certifications et la rotation du personnel qualifié entretiennent un cercle vicieux de sous-performance.
Rompre ce cycle implique de considérer la compétence comme un investissement stratégique, non comme une charge.
Vers une souveraineté de la performance
En conclusion, les auteurs plaident pour une vision africaine de la performance : adaptée, inclusive et durable.
Plutôt que d’imiter les modèles occidentaux, l’Afrique doit bâtir les siens, ancrés dans ses réalités et son potentiel.
Les technologies sont disponibles, les talents existent, la croissance est là : il ne manque plus qu’une volonté concertée pour transformer l’essai.
« L’excellence opérationnelle n’est plus une option. C’est le passeport de la compétitivité africaine dans l’économie mondiale », concluent Djeumo, Zagba et Diao.