Propos recueillis par Dominique Mabika à Dakar, en marge de l’Africa Food Forum.
« L’Afrique doit miser sur les chaînes de valeur régionales » – Claver Gatete, Secrétaire exécutif de la CEA
À l’heure où l’Afrique dépense plus de 115 milliards de dollars par an pour importer sa nourriture, la souveraineté alimentaire devient un impératif stratégique. Lors de l’Africa Food Forum, tenu du 31 août au 5 septembre 2025 à Dakar, Financial Afrik a rencontré Claver Gatete, Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), qui plaide pour une approche intégrée de la transformation agricole.
Chaînes de valeur régionales
« Nous ne pouvons plus nous limiter aux chaînes nationales. Il faut bâtir des chaînes de valeur régionales, de la production à la transformation et jusqu’à l’assiette », souligne Claver Gatete. L’objectif : accroître la productivité, réduire la dépendance aux importations et tirer parti de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Mobilisation des financements
Le défi reste celui du financement. Les pays africains supportent un coût d’emprunt élevé, conséquence directe de leurs mauvaises notations souveraines. Seuls le Botswana et Maurice disposent d’un statut investment grade. « C’est pourquoi nous travaillons à la création d’une agence de notation africaine, capable de mieux prendre en compte les réalités du continent », explique-t-il. Parallèlement, la CEA promeut la finance innovante – obligations vertes, durables, ou encore blended finance – et le recours aux garanties de la Banque mondiale, de la SFI ou de la BAD pour réduire les risques perçus et attirer le secteur privé.
Grands projets structurants
La CEA accompagne plusieurs initiatives pilotes : un parc agro-industriel entre la Zambie et le Zimbabwe, ou encore la mise en place de zones économiques spéciales pour les batteries électriques entre la RDC et la Zambie. Ces projets illustrent la volonté de créer des pôles régionaux capables d’industrialiser l’agriculture et de transformer les ressources localement.
Réduction des risques et infrastructures
Pour Claver Gatete, la réduction du risque passe aussi par des pré-requis concrets : semences améliorées, fertilisants, irrigation, capacités de stockage et infrastructures logistiques (routes, énergie, corridors commerciaux). « Les infrastructures doivent être pensées comme des leviers de productivité et de commerce, pas comme des fins en soi », insiste-t-il.
Exportations et rôle de l’État
Certains pays expérimentent déjà des mécanismes efficaces. Le Rwanda, par exemple, a mis en place une structure dédiée à l’accompagnement des exportateurs agricoles, qui organise la production, facilite l’accès aux garanties et oriente les produits vers les bons marchés.
Perspectives
La CEA a identifié 94 chaînes de valeur stratégiques sur le continent, dont de nombreuses dans l’agriculture et l’élevage. « L’Afrique a la terre, les ressources et la jeunesse. Il faut maintenant les former, les intégrer dans des filières modernes et mécanisées, et créer les conditions d’une agriculture compétitive et exportatrice », conclut Gatete.