Désigné candidat par les partis de la Mouvance (UPR et BR).
C’est à Romuald Wadagni qu’échoit la lourde responsabilité de se jeter dans la course à la succession à Patrice Talon. À 49 ans, le ministre des Finances, en poste depuis 2016, sait mieux que quiconque que l’héritage est vertigineux. Au-delà du suffrage populaire qu’il devra arracher lors de la présidentielle prévue en avril 2026, avec l’handicap propre aux technocrates – plus pragmatiques que tribuns –, il lui faudra remplacer un homme qui a incarné la rage de transformer le Bénin et qui résumait son credo en une phrase subliminale : « l’économie, c’est tout ».
L’ancien cadre de Deloitte à Paris, Lyon, Boston et New York ne manque ni de talent ni de réseaux. Mais il sait que Patrice Talon, homme d’affaires devenu chef d’État, a osé là où d’autres temporisaient, préférant braver l’impopularité au nom de l’intérêt général. Depuis 2016, Wadagni a prouvé qu’il était taillé dans la même étoffe : réformes audacieuses, mise au pas des rentes administratives, rigueur budgétaire. Le petit pays coincé entre le Nigeria et le Togo s’est vu comparer à Singapour, preuve que la constance paie.
Sa ligne de conduite est claire : pas de développement sans équilibres macroéconomiques. En pleine pandémie, il refusait d’entrer dans le programme du G20 sur la restructuration des dettes. « Pas d’annulation, pas de restructuration », martelait-il devant les Clubs de Paris et de Londres. Résultat : une crédibilité renforcée, des agences de notation dithyrambiques, et un Bénin encensé comme élève modèle de la discipline financière. « L’Afrique ne gagnera pas sa souveraineté en quémandant l’effacement de ses dettes », lançait-il avec un aplomb qui a séduit bailleurs et marchés.
Le bilan est là : dette lissée, euro-obligations émises à des taux historiquement bas, pionnier africain des obligations durables. Autour de lui, une centaine de jeunes cadres, parfois rapatriés de la diaspora, l’épaulent dans ce premier cycle de réformes : assainissement des finances, modernisation de l’administration, amélioration du climat des affaires et restauration de l’État de droit.
En refusant la tentation du troisième mandat, Patrice Talon a posé un jalon institutionnel rare en Afrique.
Sur le plan économique, beaucoup à été fait et tout reste à faire. Certes, le Bénin est passé de pays pauvre à pays à revenu intermédiaire. Mais le taux de chômage est encore élevé. La transformation économique devrait s’accélérer pour vaincre l’inertie sociale.
Du reste, le successeur héritera d’un capital inédit : stabilité macroéconomique, attractivité renforcée et confiance des partenaires financiers. Or nul autre que Wadagni n’incarne mieux cette continuité. Ministre de l’Économie depuis bientôt une décennie, copilote du chantier « Bénin », il a conduit les finances publiques à bon port.
L’homme n’aime ni le populisme ni les slogans éculés sur « l’autosuffisance alimentaire ». Sa devise : l’action. Chaque matin à 7 heures, l’œil rivé sur les indicateurs, il prépare la prochaine étape : l’industrialisation à grande échelle du coton et des produits tropicaux, l’expansion des zones économiques spéciales, l’intégration des chaînes de valeur africaines. Déjà, le visa gratuit pour les Africains témoigne de cette vision d’ouverture.
Reste une équation : quel modèle pour le Bénin de Wadagni ? Un Singapour africain, avec ses raffineries et son hub industriel, ou un Hong Kong continental, plateforme ouverte à l’ombre des géants ? La réponse dépendra de sa capacité à transformer la constance budgétaire en prospérité sociale. Une chose est sûre : l’argentier de Talon ne manque ni de méthode ni de détermination.