Après avoir été accueilli en triomphe à Nouakchott le 11 juillet par une foule nombreuse à son retour du Sommet YES Africa 2025 à Marrakech, Ba Bocar Abdoulaye, vice-président de l’Union Panafricaine de la Jeunesse, a participé activement au Hackathon Fintech Mauritania, tenu du 17 au 23 juillet à l’hôtel Fasaq. Le jeune leader s’est prêté au jeu des questions-réponses juste après un panel d’ouverture remarqué, au cours duquel il a souligné le rôle central de sa génération dans la transition politique, économique et numérique que connaît l’Afrique. Son credo est sans ambiguïté : « Impossible n’est pas africain. »
Propos recueillis par Mayo Sow, Nouakchott
Dans cet entretien exclusif en marge du Hackathon Fintech Mauritania, Ba Bocar revient sur les défis de la jeunesse africaine, les politiques à mettre en place pour libérer son potentiel, et l’urgence d’un changement de paradigme. « La jeunesse africaine fait face à des défis majeurs : chômage massif, insécurité, migration clandestine, inégal accès à l’éducation et inadéquation entre formation et marché de l’emploi », explique Ba Bocar. « Ce sont des réalités quotidiennes. Pourtant, derrière ces défis se cache un potentiel immense. Encore faut-il que les politiques publiques permettent à cette jeunesse d’agir, d’entreprendre, d’innover. » Il insiste sur la nécessité de réformer les systèmes de formation pour les adapter aux besoins réels des économies africaines, notamment en matière de numérique, de transition énergétique ou d’entrepreneuriat rural. « Il faut former pour transformer. »
Plaidoyer pour l’entrepreneuriat des jeunes
L’Union Panafricaine de la Jeunesse, à travers ses actions de plaidoyer, interpelle régulièrement les chefs d’État africains pour intégrer pleinement la jeunesse dans les politiques de développement. « Nous organisons des forums, tels que l’Africa Start-up Forum, pour connecter les jeunes entrepreneurs entre eux, les mettre en relation avec des investisseurs, des mentors, des institutions. Nous ne voulons plus de discours, nous voulons des mécanismes concrets d’appui à l’entrepreneuriat jeune. » Pour Ba Bocar, l’accès au financement reste une barrière majeure : « Il faut des fonds souverains dédiés à la jeunesse, des incitations fiscales, des incubateurs dans chaque région. » L’UPJ développe actuellement des partenariats pour proposer des formations pratiques, des sessions de mentorat et des opportunités de mise en réseau à travers tout le continent.
Interrogé sur la question environnementale, Ba Bocar répond sans détour : « L’Afrique produit peu de gaz à effet de serre, mais elle est en première ligne des conséquences. La sécheresse frappe le Sahel, les populations fuient, les conflits s’aggravent. Ce n’est pas qu’un enjeu écologique, c’est une question de sécurité. »
L’UPJ a participé en juillet à Kampala à la 11e session du Forum africain sur le développement durable. « Nous y avons mobilisé les présidents de 54 conseils nationaux de jeunesse. Nous voulons faire entendre notre voix sur la scène internationale. L’environnement n’est pas un luxe pour l’Afrique. »
Numérique : un levier de transformation
La digitalisation, selon Ba Bocar, constitue une opportunité unique : « Un jeune de Kiffa ou de Nouadhibou peut désormais créer, innover, vendre, apprendre, sans quitter sa ville. Le numérique est une arme. Bien utilisée, c’est un facteur de développement. Mal utilisée, c’est une bombe sociale. »
Il salue l’organisation du Hackathon Fintech Mauritania comme un exemple de ce qu’il faut multiplier : « Pendant une semaine, nous avons vu des jeunes motivés, brillants, créer des solutions concrètes pour leur pays. Ils ne veulent pas fuir. Ils veulent contribuer. »
Inclure les jeunes marginalisés : un impératif
« Il ne suffit pas de parler de jeunesse. Il faut inclure toutes les jeunesses », affirme Ba Bocar. « Les jeunes des zones rurales, des quartiers populaires, les femmes, les jeunes en situation de handicap ou les NEETs — ni en emploi, ni en formation, ni à l’école — doivent être au cœur des politiques. Sinon, nous fabriquons une bombe sociale. »
Selon la Banque mondiale, plus de 112 millions de jeunes en Afrique sont dans cette situation. « Si on ne les forme pas, si on ne les écoute pas, si on ne leur donne pas une place, ils risquent de sombrer dans la délinquance, la radicalisation ou la migration forcée. »
Une reconnaissance continentale
Distingué à Marrakech lors du Sommet YES Africa 2025, Ba Bocar Abdoulaye voit cette distinction comme une reconnaissance collective : « Ce prix n’est pas le mien. Il appartient à toute la jeunesse mauritanienne. Il dit à chaque jeune du Fouta, du Tagant ou de Nouakchott : vous êtes capables. »
Il remercie au passage le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani pour la confiance placée en lui et pour le soutien constant à la jeunesse mauritanienne. « C’est aussi le fruit d’une politique qui croit en sa jeunesse. »
Un message d’espoir et de mobilisation
En conclusion, Ba Bocar adresse un message fort : « Mon parcours montre qu’avec peu, on peut faire beaucoup. Je suis passé de simple étudiant à vice-président de l’Union panafricaine de la jeunesse. J’ai parcouru plus de 30 pays, représenté la Mauritanie sur les cinq continents, mais mon moteur reste l’Afrique. » « L’impossible n’est pas africain », répète-t-il. « Soyons fiers de notre identité, de nos langues, de nos cultures. Créons, innovons, restons. C’est ici que l’avenir se joue. »