La problématique du pouvoir d’achat figure en tête des préoccupations des Ivoiriens. La vie chère résulte de causes structurelles, notamment la forte dépendance aux importations et le poids de l’économie informelle. Pour y répondre, les pouvoirs publics ont adopté des mesures, certaines d’urgence, d’autres à moyen ou long terme. État des lieux.
Dynamisme économique vs pouvoir d’achat
Modèle de stabilité politique, la Côte d’Ivoire s’impose comme une référence économique en Afrique de l’Ouest. Le pays contribue à 40 % du PIB de l’UEMOA, dont il est de loin le premier acteur industriel. Il s’appuie aussi sur une croissance oscillant entre 6 et 7 % depuis la fin de la parenthèse Covid-19.
Ce dynamisme ne rejaillit pas encore sur le pouvoir d’achat du plus grand nombre. Principale inquiétude des Ivoiriens, la vie chère n’est pas un mythe : les analyses de Numbeo, une plateforme qui collecte des données sur le coût de la vie, le confirment. Depuis que la Côte d’Ivoire est intégrée dans les calculs, en 2021, elle figure parmi les pays africains au coût de la vie le plus élevé et au pouvoir d’achat local le plus faible.
Les origines structurelles de la vie chère en Côte d’Ivoire
De multiples facteurs expliquent ce décalage entre dynamisme économique et persistance de la vie chère. La Côte d’Ivoire dépend ainsi fortement des importations pour de nombreux produits manufacturés et transformés. Les surcoûts engendrés se répercutent sur les prix à la consommation. Le pays importe également une large part de sa consommation d’hydrocarbures, ce qui l’expose aux fluctuations des marchés internationaux.
L’économie informelle représente par ailleurs 51 % du PIB et 90 % de la force d’emploi en Côte d’Ivoire. Certes, les employeurs informels sont censés respecter le salaire minimum, mais ils passent souvent outre. Cette situation génère aussi un déficit de recettes fiscales, limitant les marges budgétaires de l’État pour redistribuer la richesse produite.
Enfin, la capitale Abidjan concentre 80 % de l’activité économique du pays, bien qu’elle n’abrite que 22 % de la population. Les zones rurales ne profitent pas assez du miracle économique ivoirien : en dehors des denrées alimentaires, le pouvoir d’achat y est faible.
Le gouvernement mise sur l’industrialisation, l’agriculture vivrière et les hydrocarbures
Pour lutter contre la vie chère, les pouvoirs publics adoptent à la fois des réformes structurelles et des mesures d’urgence ou de moyen terme. Le gouvernement ivoirien s’est ainsi lancé, depuis plusieurs années, dans une politique d’industrialisation massive. Sa priorité est de valoriser les matières premières nationales, notamment agricoles, dont le taux de transformation locale a fortement augmenté en dix ans.
L’État entend également moderniser les moyens de production, de conservation et de transformation de produits vivriers, en favorisant notamment l’irrigation, la mécanisation agricole et l’usage d’engrais. Parallèlement, le gouvernement encourage activement la population ivoirienne à consommer des produits locaux, pour soutenir producteurs et vendeurs nationaux.
Les pouvoirs publics entendent aussi profiter des découvertes d’hydrocarbures à Baleine (2021) et Calao (2024). D’ici 2035, la Côte d’Ivoire devrait voir sa production de pétrole passer de 100 000 barils par jour à plus de 500 000. Celle de gaz devrait atteindre un milliard de pieds cubes quotidien, contre 300 millions actuellement.
Limiter les prix et revaloriser les revenus
Au-delà, le gouvernement adopte régulièrement des mesures de court ou moyen terme pour améliorer le pouvoir d’achat. Ces derniers mois, l’exécutif a ainsi accordé des subventions aux importations de certains produits, comme la farine de blé, le carburant ou des matières premières animales. Les prix d’une vingtaine de produits de première nécessité ont été bloqués, les tarifs du ciment fortement encadrés.
En mars 2025, le gouvernement a revalorisé le prix de certains produits agricoles (café, cacao, coton…) pour soutenir les revenus des agriculteurs. Il a aussi relevé le salaire minimum dans le privé de 60 000 à 75 000 FCFA – les salaires de la fonction publique avaient, eux, déjà été revalorisés. Pour réduire les frais de santé des plus fragiles, l’exécutif a instauré la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans, ainsi qu’une Couverture Mutuelle Universelle (CMU), financée à 70 % par l’État.
Pour améliorer l’approvisionnement en produits vivriers locaux de qualité et réduire leur gaspillage, les pouvoirs publics déploient actuellement une pyramide de marchés agricoles, composée de trois marchés de gros (Abidjan, Daloa, Abengourou), douze marchés relais et plus de 155 marchés ruraux de proximité (dont 40 pour la première phase du projet).
Un bilan encourageant de l’action publique, mais de nombreux défis à relever
Sur le moyen terme, les effets de ces politiques sont encourageants. La production nationale vivrière est ainsi passée d’environ 11 millions de tonnes en 2011 à 24 millions de tonnes en 2024. Les indicateurs de Numbeo évoluent aussi dans le bon sens : de 2021 à mi-2025, l’indice du coût de la vie est passé de 54,61 à 42,74, celui du pouvoir d’achat local de 6,32 à 10,96.
Certaines mesures mises en œuvre ne produiront leurs effets qu’au bout de plusieurs mois, voire plusieurs années : la vie chère restera donc une préoccupation majeure en Côte d’Ivoire. Dans les mois à venir, les pouvoirs publics devront adapter leurs politiques à la conjoncture locale et mondiale, afin d’apaiser les inquiétudes légitimes de la population.