C’est aujourd’hui, 30 mars, que l’on dévoile à Dubaï le Rapport sur l’Investissement International lors de la Rencontre Annuelle sur l’Investissement (AIM). Cette rencontre a pour thème : « Le développement durable par l’innovation et le transfert de technologie induits par les flux d’Investissements Directs à l’Etranger (IDE) ».
Ecrit par le Dr. Karl P. Sauvant, chercheur résident au Centre Columbia sur l’Investissement Durable, ce rapport est la publication vedette de la Rencontre Annuelle sur l’Investissement. Ce rapport met en lumière les dernières tendances en termes de flux d’IDE, au niveau mondial et régional, avec un focus sur les pays émergents.
Le rapport de cette année montre qu’en dépit d’une baisse de 8% en volume global, les flux d’IDE mondiaux sont restés conséquents en 2014: 1 300 milliards de dollars US. Alors que les flux d’IDE dans les pays développés ont baissé (en partie à cause de l’incertitude économique et d’une croissance lente en Europe), les marchés émergents ont tiré leur épingle du jeu pour la troisième année consécutive, en attirant 59% des flux d’IDE mondiaux, soit 745 milliards de dollars US.
La région la plus dynamique en termes d’attraction d’IDE est l’Asie, la Chine étant le pays hôte leader. Bien que les flux entrants dans l’Asie de l’Ouest aient décliné globalement, les Emirats Arabes Unis sont devenus le deuxième marché le plus attractif dans cette zone. A elle seule, Dubaï a attiré 8 milliards de dollars en 2014. De plus, les Emirats Arabes Unis représentent plus d’un quart des flux d’IDE sortants de l’Asie de l’Ouest.
L’Asie est également leader des marchés émergents en termes d’IDE liés à la connaissance, ce qui se mesure par le nombre de centres R&D installés dans le monde au cours de la décennie précédente. De façon générale, la part des marchés émergents dans les dépenses de R&D est passée de 10% il y a 10 ans à 40% aujourd’hui. Comme l’explique l’auteur : « C’est une tendance encourageante, la technologie étant un élément clé de la croissance économique et du développement ».
Dans le même temps, la part des marchés émergents dans les flux mondiaux d’IDE sortants a également augmenté. De presque rien il y a 10 ans à 39% en 2013, soit 560 milliards de dollars US.
« J’estime qu’il y a aujourd’hui environ 50 000 multinationales dont les sièges sociaux sont dans les marchés émergents. Parmi celles-ci, il y a un certain nombre d’entreprises détenues par l’Etat, et qui sont d’importants investisseurs à l’étranger, dans des pays tels que la Chine, Singapour et quelques pays Arabes. L’avènement des multinationales sises dans les marchés émergents rend compte de la compétitivité grandissante de ces entreprises. En même temps, en investissant à l’étranger, les multinationales renforcent leur propre compétitivité, en obtenant un meilleur accès aux marchés et aux ressources de toutes sortes ».
Le rapport souligne également qu’en dépit de l’augmentation du flux d’IDE provenant des pays émergents, la vaste majorité de ces pays n’ont pas encore de politique concernant leurs IDE. Leurs multinationales ont donc un désavantage compétitif par rapport aux multinationales sises dans des pays ayant une telle politique.
« Un grand nombre de pays a besoin de se pencher sur la question de savoir si oui ou non il y a besoin de se doter d’une politique d’IDE et si oui ou non il y a besoin de développer des instruments pour mettre en place une telle politique », estime Dr. Sauvant.
Le rapport AIM décrit ensuite les défis spécifiques liés aux politiques d’IDE au niveau international. Cela implique des questions sur la perception des pays développés concernant les entreprises publiques qui investissent à l’étranger, ce qui est souvent vu comme une violation du principe de neutralité commerciale. « Les négociations de l’accord de partenariat Trans-Pacifique reflètent la préoccupation des pays développés en ce sens. L’accord en résultant aura certainement pour effet de contrôler le support aux entreprises publiques actives à l’international. Je pense qu’il s’agit d’un développement qui aura toute son importance pour un bon nombre de pays et doit donc être suivi de près », explique Dr. Sauvant.
Un autre défi réside dans le fait que la politique nationale des IDE est de plus en plus influencée par le droit international des investissements : il existe plus de 3 000 accords internationaux sur les investissements dans le monde.
Ce régime implique un mécanisme de règlement des différends pour les investisseurs estimant que leurs droits ont été bafoués par le pays hôte. De telles affaires sont jugées par un tribunal international. « Les coûts pour plaider de telles affaires peuvent être élevés (en moyenne autour de 10 millions de dollars US), et un pays peut perdre des milliards de dollars si le tribunal se prononce en sa défaveur. En outre, le nombre de différends est en train d’augmenter. Le droit international des investissements est donc très important pour la politique nationale ».
Il y a actuellement beaucoup de débats sur comment ce droit peut être réformé, notamment en Europe où un appel à commentaires de la Commission Européenne sur le mécanisme de règlement de différends entre Etats et les investisseurs a occasionné plus de 150 000 réponses. « Ce débat reflète l’importance d’un solide et juste appareil juridico-légal prenant en compte les intérêts des principales parties prenantes. Les gouvernements, à leur tour, doivent s’atteler à suivre de près ce débat et chercher à influencer le futur du droit international des investissements, et la façon dont il mettra en place les paramètres des politiques nationales d’IDE », ajoute Dr. Sauvant.
Le rapport est lancé au premier jour de cette 5ème édition de la Rencontre Annuelle sur l’Investissement, qui a pour thème : « Le développement durable par l’innovation et le transfert de technologie induits par les flux d’IDE ». La Rencontre est organisée sous le haut patronage de son altesse Sheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum, Vice-Président des Emirats Arabes Unis, Premier Ministre et Emir de Dubaï.
La Rencontre de l’an dernier a attiré plus de 11000 visiteurs (quasiment deux fois plus de personnes que l’année d’avant) provenant de 112 pays, des chiffres dont on s’attend à ce qu’ils augmentent encore cette année.