Le millésime 2015 s’est déroulé sous le signe de la sagesse à l’exception de ses tous derniers jours qui ont vu deux grands acteurs sortir l’arme du fourreau.
Il s’agit d’abord du groupe Axa qui a ffinalisé l’acquisition, le 30 novembre 2015, de 100% du capital de la Commercial International Life Insurance Company (CIL), leader égyptien de l’assurance-vie, épargne et retraite, pour un montant total de 763 millions de livres égyptiennes (soit 92 millions d’euros environ).
Ce deal majeur est assorti d’un partenariat avec la Commercial International Bank d’Egypte (CIB) selon lequel «AXA bénéficiera d’un accord de distribution exclusif d’une durée de 10 ans en assurance vie, épargne, retraite, avec la volonté de se concentrer plus particulièrement sur les produits en unités de compte, la prévoyance et la santé», précise le groupe d’assurances.
L’autre importante opération qui a marqué les esprits en 2015 porte la signature de Sanlam. La compagnie sud-africaine, présente dans 11 marchés, a déboursé 375 millions d’euros, fin novembre, pour racheter les parts de l’IFC et d’Abraaj dans le groupe Saham (premier assureur du continent hors Afrique du Sud), créant ainsi un pont d’un bout à l’autre du continent.
Accalmie sur le front des acquisitons
Hormis ce deux transactions, l’année a été plutôt calme sur le front des acquisitions. Prenant sans doute acte du renchérissement de l’argent dans les marchés financiers et du plus que probable relèvement des niveaux de fonds propres tant au niveau international (Solvency II) que régional (la CIMA, Conférence interafricaine sur les marchés de l’assurance devrait prochainement porter le capital minimum des compagnies d’assurances a au moins 3 milliards de FCFA), les Etats majors des compagnies d’assurance ont préféré jouer la prudence et la sagesse.
Dans la zone CIMA, les groupes locaux se sont fait aussi discrets à l’exception de la gabonaise Ogar qui a repris le réseau Fedas et de la sénégalaise Sonam du patriarche Diouldé Niane qui a pris contrôle de l’ivoirienne 3A IARD dans une opération maîtrisée de bout en bout grâce aux due diligence nécessaires.
Le groupe NSIA de Jean Kacou Diagou s’est plutôt illustré par d’une part l’important changement qui a vu l’entrée du tandem Banque Nationale du Canada -Amethis dans son tour de table à hauteur de 26% à la faveur de la sortie du fonds d’investissement américain ECP et, d’autre part, par une mue symbolique de l’ex BIAO devenue NSIA Banque.
Quant à la compagnie d’assurance SAAR du Camerounais Paul Fokam, elle a décroché son agrément IARD en Côte d’Ivoire, un marché où Afriland First Bank (du même groupe Paul Fokam) a pignon sur rue. Du reste, l’on constate que l’option greenfield l’emporte nettement chez les champions africains.
Et, pourtant, expliquent les observateurs, jamais le marché africain n’a été aussi favorable pour les fusions & acquisitions compte tenu des nombreuses compagnies sous injonction des inspecteurs de la Commission de contrôle (CRCA), de l’arrivée à maturité des mises des fonds de Private Equity, des besoins de fonds propres qui se font jour à la lecture des bilans des compagnies d’assurance et du caractère bon marché d’une zone où le capital minimum exigé est de 1 milliard FCFA libérable aux 3/4 seulement.
Les multinationales et les grandes compagnies régionales jouent plutôt la prudence préférant les procédures bureaucratiques de demandes de licences aux acquisitions d’actifs souvent toxiques sur le tard.
Le marché a encore en tête l’incendie suspect qui s’est déclaré dans les locaux de l’ivoirienene SAFA à la veille d’une mission du futur repreneur, à savoir Wafa Assurance, leader du marché marocain avec 6 milliards de dirhams (600 millions d’euros environ) de primes soit 21% de parts de marché.
Est-ce ce qui a poussé le marocain à changer de tactique, optant désormais pour le greenfield plus coûteux en temps et en argent mais plus sûr? «L’ambition de Wafa Assurance en Afrique sub-saharienne est d’adresser dans un premier temps les 4 ou 5 marchés les plus importants de la zone CIMA (Conférence interafricaine des marchés d’assurances). Nous avons pour cela opté pour une stratégie d’implantation en greenfield, fort de la présence des filiales d’Attijariwafa bank et d’expériences réussies en créations», confiait Ali Harraj, le PDG de la compagnie au quotidien l’Economiste.
Des relais de croissance à bon marché
Cette volonté d’expansion de Wafa Assuranxe dans la zone CIMA s’explique par le mûrissement d’un marché marocain à faible taux de croissance (5 à 6% en moyenne) comparé à la forte progression à deux chiffres reconduit régulièrement plus au sud.
Ce sont ces mêmes objectifs des relais de croissance qui motivent aussi les compagnies nigérianes, sud-africaines et kenyanes à s’installer dans une région encore bon marché. Une région où les principaux acteurs historiques (Allianz et Axa) cherchent à se diversifier en lorgnant les pays anglophones. Ainsi Allianz France s’est installée au Kenya en octobre 2015 via sa filiale Allianz Africa, totalisant ainsi douze implantations en Afrique.
Axa qui a cassé la tirelire en 2014 pour s’implanter tour à tour en Angola, en Egypte et au Nigeria avec la prise de participation majoritaire dans Mansard Insurance PLC, quatrième assureur du pays peu présent qui plus est sur les risques pétroliers, semble vouloir rattraper le temps perdu, n’hésitant pas à lorgner l’assurance-vie, franchissant ainsi cette ligne de démarcation qui semblait depuis longtemps obeïr à un gentleman agreement avec la compagnie Sunu du sénégalais Pathé Dione.
Ainsi, Axa qui évolue désormais sous la direction d’Abdelhak Mansour, patron du pôle Afrique Subsaharienne, a introduit de nouvelles demandes de licences en vie et en non-vie en Afrique francophone au delà de son pré-carré (Gabon, Cameroun, Côte d’Ivoire et Sénégal), ensemble qui totalise 80 millions d’euros de primes. Mais ici, renseigne un haut cadre, l’objectif est d’abord de se repositionner dans un marché ivoirien en forte croissance où Axa est 4ème. Au Cameroun, le groupe a profité des dysfonctionnements de la compagnie Chanas (désormais ex-leader) pour reprendre le portefeuille stratégique de la SNH (Société nationale des hydrocarbures) qui représente 30% du chiffre d’affaires local de la société.
En attendant la montée en régime des marchés CIMA, Axa peut compter sur l’Algérie, marché en rattrapage, donc à forte croissance avec un chiffre d’affaires filiale de 40 millions d’euros multiplié par 6 depuis son démarrage en 2012 sous la houlette justement d’Abdelhak Mansour. Le nouveau patron Afrique arrivera-t-il à dupliquer la success story algérienne ? Les observateurs le testeront prochainement sur le Ghana où Axa ambitionne de s’installer. Il faut dire que grâce au partenariat stratégique conclu avec l’IFC en 2014, Axa est bien positionnée dans l’acquisition de quelques unes des 30 compagnies (un portefeuille de 1,1 milliard de dollars ) où la filiale de la banque mondiale est détentrice de participations.
Un commentaire
Belle analyse