Classé parmi les 10 pays les plus réformateurs au classement Doing Business 2019, le Togo, 137e mondial avec une progression de 19 places par rapport au rapport précédent, vise le 100e rang au classement 2020 selon le premier ministre Sélom Klassou qui s’exprimait dans une interview accordée à Financial Afrik en juin 2019.
Présent cette année dans la shortlist des 20 économies les plus réformatrices du Doing Business, le pays avait fait de l’amélioration du climat des affaires une priorité. Dans cet entretien avec Financial Afrik, Sandra Ablamba Johnson, ministre déléguée, conseillère du président en charge de l’amélioration du climat des affaires revient sur cette progression, et quelques sujets économiques de l’actualité.
Le Togo est de nouveau classé dans la shortlist des 20 économies les plus réformatrices du Doing Business 2020. A quoi devez-vous cette progression ?
Deux niveaux d’intervention soutenue ont permis à notre pays de progresser, ainsi que cela a pu être noté, notamment par le classement Doing Business. D’abord au plan institutionnel, le caractère prioritaire de l’objectif d’amélioration de l’environnement des affaires s’est traduit par la mise en place d’une unité dédiée, depuis septembre 2017, placée sous le leadership du Président de la République avec un Coordonnateur nommé à cet effet. Ensuite, du point de vue opérationnel, des actions vigoureuses ont été entreprises dans plusieurs domaines. Je peux mentionner notamment, pour les sociétés à responsabilité limitée (SARL), la suppression de l’obligation de rédaction des statuts par un notaire. Conséquence, le nombre de SARL créées est passé du simple au triple sur les trois dernières années, soit un gain pour le secteur privé estimé à environ 4,7 milliards de FCFA. Pour les opérateurs économiques, des mesures de facilitation comme la réduction de 50% des frais de raccordement à l’électricité payable sur six mois. A cela s’ajoutent l’instauration d’un bureau unique pour le transfert de propriété, la réduction drastique des frais de mutation, l’adoption d’un nouveau code foncier, la possibilité désormais offerte aux usagers de soumettre leurs demandes de permis de construire via une plateforme en ligne, et l’amélioration de l’accès à l’information sur le crédit caractérisée par l’élargissement de la couverture du bureau de crédit, Creditinfo Volo, qui désormais pourra diffuser les données des disponibles au niveau des sociétés de services publics.
Il me semble important de préciser que cette dynamique va au-delà des indicateurs Doing business. Elles couvrent aujourd’hui les réformes que nous avons initiées dans plusieurs domaines tels que les impôts, la justice, le cadre des investissements avec un nouveau code des investissements, la loi sur les énergies renouvelables et j’en passe.
Quelles sont vos ambitions sur les court, moyen et long termes en matière de réforme du climat des affaires ?
Comme je venais de le présenter, la cellule travaillant sur l’amélioration du climat des affaires, en collaboration avec les parties prenantes que sont le secteur privé, l’administration et la société civile notamment celle intervenant dans le domaine de la gouvernance ont adopté un plan d’actions triennal à court, moyen et à long terme. Et donc à court terme, il s’agira entre autres d’accélérer les travaux déjà entrepris au niveau de la fiscalité et la justice, en particulier l’e-justice pour une meilleure appropriation de la réforme, le foncier avec l’opérationnalisation complète du Guichet Unique. A moyen terme, il nous faut poursuivre la mise en œuvre du grand projet de dématérialisation des procédures administratives. D’ores et déjà, il est en cours au niveau de certaines structures clés en contact permanent avec les opérateurs économiques telles que le Guichet du commerce Extérieur (GUCE), le Centre de formalité des Entreprises (CFE), le tribunal de commerce, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), la Compagnie d’Électricité et l’administration fiscale (OTR).
Vous l’avez mentionné, le Togo a amélioré l’accès à l’information sur le crédit en élargissant la couverture du bureau de crédit. Pourrions-nous dire, à ce jour, que les objectifs que vous vous êtes fixés en modifiant la loi uniforme n°2016-005 du 14 mars 2016 relative à la règlementation des bureaux d’informations sur le crédit (BIC) sont atteints ?
Oui, nous pouvons dire que les objectifs premiers attendus sont atteints. En effet, au regard de la difficulté de collecte des données relatives au consentement du client d’une part et de la culture même de la notion de bureau de crédit d’autre part, nous nous sommes fixés comme premier objectif d’atteindre les 5% de la population adulte. Ainsi sous le leadership des plus hautes autorités, nous avons non seulement modifié la loi uniforme telle que relevé, mais également pris le décret N° 2018-109/PR du 25/05/2018, portant autorisation de la mise en œuvre d’un traitement automatisé des données à caractère personnel pour amener les grands facturiers à intégrer la plateforme.
Cette réforme a permis d’améliorer sensiblement la proportion de la population adulte enregistrée dans la base de données du Bureau d’information de crédit, 824 260 clients, soit une hausse de plus de 15 points en 2019 pour s’établir à 18% contre environ 0,4% en 2018. Cependant, les travaux se poursuivent pour couvrir un éventail plus large de la population active d’ici les prochains mois. Des impacts non moins importants ont été notés comme la réduction du taux débiteur bancaire et l’augmentation continue de la population ayant accès aux services financiers.
Où en êtes-vous aujourd’hui avec la mobilisation des ressources pour le Plan national de développement lancé officiellement en mars dernier ?
Le PND est à sa deuxième année de mise en œuvre. Plusieurs projets identifiés sont soit en cours de mise en œuvre et/ou en phase de discussion avec les partenaires qui ne cessent d’exprimer leur intérêt. Par exemple, quatre sur six principales centrales prévues dans le secteur de l’énergie ont déjà trouvé de partenaires et les travaux vont bientôt démarrer. Par ailleurs, la Société financière de la Banque Mondiale travaille avec le gouvernement pour accélérer les études sur les deux autres. Évidemment, l’intelligence économique nous impose une analyse minutieuse des dossiers pour des résultats optimaux. Par ailleurs, le gouvernement vient d’adopter un nouveau code des investissements qui offre d’importants avantages aux investisseurs pour une mise en œuvre réussie du PND, ceci sans oublier les facilités que le gouvernement est également disposé à offrir dans le cadre d’un partenariat gagnant –gagnant.
Le Fonds monétaire international a annoncé en septembre qu’elle prévoit une accélération de la croissance du PIB du Togo en 2019 et en 2020. Quels sont les principaux facteurs de cette accélération attendue ?
Des prévisions optimistes sont toujours une bonne nouvelle (rires). C’est d’ailleurs la seconde fois cette année que le FMI ajuste ses notes pour réviser à la hausse ses prévisions de croissance pour notre pays. Déjà, en mars, l’institution a revu à la hausse les prévisions de croissance du Togo, les passant de 5% à 5,1%, puis lors de la dernière mission à 5,3% pour 2019 et 5,5% pour 2020. Cette tendance s’explique par le regain de l’activité économique en 2018 qui s’est poursuivi cette année avec une croissance continue du trafic portuaire, la mobilisation des recettes et la rigueur budgétaire.
Le gouvernement entend garder ce cap pour l’accélération de la dynamique notée à travers la mise en œuvre des projets en cours et l’effectivité des annonces d’extension des projets des partenaires présents entre autres la société Lomé Conteneur Terminal (LCT) dans le domaine portuaire qui prévoit des investissements de 500 millions d’euros, la société Cimtogo dans le secteur du ciment qui prévoit de mobiliser 25 millions d’euro et la société Eranove, nouvelle société dans le secteur de l’Energie, qui vient de faire sa pose de première pierre et qui prévoit d’investir 64 milliards de FCFA.
Parlant des banques publiques. L’Etat a lancé un avis de pré-qualification internationale à l’endroit des potentiels investisseurs dans le cadre du processus de privatisation de la BTCI et de l’UTB. Quelles sont les attentes du gouvernement en termes d’offres ?
Ces décisions courageuses ont pour objectif de désengager l’actionnaire public du secteur bancaire. Concrètement, le gouvernement recherche des investisseurs stratégiques disposant de solides compétences bancaires et financières à qui céder ses participations et/ou ouvrir la majorité du capital de ces deux institutions. C’est juste montrer une fois encore l’engagement du gouvernement à donner une place de choix au secteur privé. Les candidatures sont attendus jusqu’au 22 novembre 2019.
Votre mot de la fin…
Le Togo sous le leadership du Président de la République est résolument dans un processus de transformation de son économie. Pour ce faire, plusieurs réformes tant institutionnelles qu’opérationnelles sont engagées pour en faire la destination privilégiée des investisseurs. Certes, les défis ne sont pas tous relevés, mais notre engagement, c’est de poursuivre la dynamique des réformes et être à l’écoute constante du secteur privé qui est désormais pour nous un partenaire de choix dans le cadre de notre nouvelle marche inspirée d’une belle vision telle qu’inscrite dans le Plan National du Développement.
En somme, les progrès réalisés par le pays ne relèvent pas du miracle. La recette tient en une formule : du travail, beaucoup de travail, une démarche inclusive et participative, un suivi continu et une vigilance de tous les instants. Le travail est une valeur que nous cultivons et qui demeure pour notre société un repère constant et un indicateur rassurant, déclarait le Président dans son discours de lancement du PND.
Propos recueillis par Nephthali Messanh Ledy