Par Mamadou Aliou Diallo
Après Sékouba Konaté, numéro deux de l’ex junte militaire au pouvoir en 2009, puis président de la transition, à être inquiété par la justice américaine, c’est au tour de Mahmoud Thiam, un ancien ministre des mines du CNND à être sous la menace du FBI au pays de l’oncle Sam. Selon l’agence Reuters, cet ancien dignitaire du CNND est soupçonné par la justice américaine de « blanchiment d’argent et de corruption (il aurait reçu 8, 5 millions de dollars de pots de vin) en vue de faciliter l’obtention de contrats miniers en faveur de la China International Fund », un fond d’investissement chinois.
Selon un spécialiste du secteur minier guinéen, Akoumba Diallo, Mahmoud Thiam a été interpelé par le FBI et est entrain d’être entendu sur sa gestion en tant que ministre des mines à l’époque et le lien avec le soupçon de blanchiment d’argent dont il est accusé. La justice américaine a vite fait le lien entre l’achat d’un appartement à New-York via une banque hongkongaise et la proximité avec la China Fund International avec qui, l’ancien ministre a traité à l’époque.
La mauvaise réputation de China International Fund (CIF)
Selon ce spécialiste des questions minières, président du conseil d’administration de l’ONG Action Mines Guinée, la CIF avait trop de déboires judiciaires pour laisser indifférente la justice américaine.
« En 2009, Mahmoud Thiam était ministre des mines et de l’énergie. Il a signé le contrat de China international Fund qui est une société chinoise dont le PDG croupi actuellement en prison pour des faits de corruption. On sait que China international Fund avait obtenu un pacte d’actionnaire avec la Guinée qui visait des investissements aux alentours de 25 à 30 milliards de dollars. C’était sous la junte, aux lendemains des massacres du stade du 28 septembre, la Guinée s’était à l’époque ventée d’avoir attiré des investisseurs, malgré le contexte. Alors CIF n’a pas pu concrétiser toutes ses promesses en matière d’investissements, mais avait quand même réussi à rafler assez de permis. Vous vous rappelez de Forécariah Guinea Mining qui est une joint venture de CIF, vous vous rappellerai de Bell zone qui est aujourd’hui rachetée par China international Fund et vous savez aussi que CFI est un fond chinois qui est souvent soumis à des enquêtes, notamment sur son business en Angola parce que China international Fund a fondé China Sonangol avec la Sonangol qui est la société d’État, donc il y a toujours des petits problèmes qu’il faille vérifier….. » explique Akoumba Diallo.
La piste des 100 Millions de dollars versés à la banque centrale à l’époque du CNDD
Le spécialiste semble envisager la probabilité que les 8 millions et demi de dollars de pots de vin dont l’ex ministre est accusé, puisse provenir des 100 millions de dollars d’emprunt, versés par China international Fund à l’État guinéen via la banque centrale. Akoumba Diallo est formel, il y a bel et bien eu le versement de ce montant. Il s’interroge de savoir si le pot-de-vin en question concernant Mahmoud Thiam proviendrait de ce montant.
« Il y a eu un paiement de 100 Millions de dollars américain par China international Fund et ses filiales pour supporter le régime d’alors à travers un dépôt à la banque centrale. J’avais personnellement enquêté sur ce fond et je sais qu’il y a eu des problèmes dans le transfert de ce fond, parce que le dépositaire avait demandé à ce qu’on lui restitue l’argent et je sais qu’il avait été prouvé en ce moment qu’environs 50 millions de dollars avaient été utilisés par le gouvernement sans que le dépositaire ne donne son accord. Je sais également qu’il y a eu après un extournement d’une partie de ces 100 millions de dollars et depuis lors, je sais qu’il y avait assez de dirigeants de la transition qui sont soit tombés malades ou qui ont eu une grande déception. Il y avait eu assez de problèmes autour de cet argent. Pour ces 100 millions de dollars la traçabilité existe, les 100 millions sont passés par la banque centrale et c’était sous le magistère du feu premier ministre jean marie Doré et je sais que le gouverneur d’alors, un certain Barry avait eu assez de difficultés à gérer cette histoire. Des pièces et des preuves existent encore de ce paiement des 100 millions. Je me rappel que les services américains s’y étaient beaucoup intéressés ».
Pour Akoumba Diallo, il va falloir néanmoins attendre la comparution de l’accusé devant la justice américaine prévue cette semaine pour être mieux édifié sur son éventuelle implication dans ce dossier et ses ramifications.
Les scandales de corruption à répétition qui secouent le secteur minier guinéen depuis maintenant plusieurs années ont pris ces derniers temps une nouvelle tournure. Les révélations qui éclaboussent les dignitaires de l’État s’accélèrent à un rythme effréné. Cette interpellation de l’ancien ministre guinéen des mines pour corruption vient rallonger la longue liste des révélations et scandales avec à l’arrivée des batailles judiciaires sur une gestion peu orthodoxe des ressources minières de la Guinée qui s’apparente parallèlement aux méthodes de la Mafia.