Le Protocole de Kyoto est à l’origine de la création du système communautaire d’échange de quotas d’émission dans la Communauté européenne (EU ETS), qui constitue le plus grand marché mondial de carbone. C’en est désormais le plus grand échec. Un marché révolutionnaire sensé installer l’Europe dans la «décarbonisation » heureuse. Lancé en 2005 avec un système européen d’échanges de quotas concernant 12 000 sites industriels, le droit à polluer a été rattrapé par de nombreux dysfonctionnements. La loi de l’offre et de la demande a poussé la tonne de CO2 vers zéro. Au sein de l’UE, premier grand marché du carbone, les beaux principes n’ont pas tenu face à la logique du marché. Le système a été immergé par une allocation généreuse et des excédents qui atteignaient 1,4 milliard de crédit. Le prix du quota, qui devait dépasser 20 euros pour pousser les industriels à développer les technologies propres, oscille autour des 5 euros. Or, disent les experts, le prix du carbone doit refléter le coût réel des gaz à effet de serre afin d’inciter les entreprises et les ménages à diminuer la quantité d’émissions qu’ils produisent et à stimuler la recherche et le développement des technologies sobres en carbone. Rappelons que chaque pays membre de l’Union Européenne est attributaire de quotas carbone par le biais d’un plan national d’allocation. Ce plan répartit les émissions par secteurs d’activité puis par opérateurs. Les quotas ainsi générés sont négociables sur le marché européen du carbone. Les entreprises qui dépassent leurs quotas sont obligés d’acheter des quotas aux autres entreprises qui n’ont pas atteint leur seuil d’émission fixé. Ce schéma n’a jamais permis de négocier la tonne de CO2 à un prix permettant effectivement de réduire l’émission globale. De l’autre côté de l’Atlantique, les expériences similaires ont aussi tout échoué ou tendent à l’être. Ainsi, le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE) qui réunit le Québec et la Californie connaît une baisse d’intensité manifeste. La fixation d’un prix plancher n’a pas redynamisé les échanges. Au Québec, les revenus générés par la vente de crédits carbone dépassent le milliard de dollars et sont reversés au Fonds Vert pour le Climat. En attendant des mesures énergiques pour soutenir son prix, le carbone poursuit sa descente aux enfers. Au 2e trimestre 2016, le prix moyen spot du produit EUA est en légère hausse (+2,6%) par rapport au 1er trimestre 2016, s’établissant à 5,75 €/tCO2. Cependant, il est à noter qu’il a fortement augmenté en avril, à la suite des annonces du gouvernement français quant à la création d’un prix plancher du carbone
« La loi de l’offre et de
la demande n’a pas
permis de relever le
prix du carbone. D’où
l’idée d’en fixer le prix
de façon à intégrer les
coûts des changements
climatiques. »
et fortement chuté au cours du mois de juin, à la suite du référendum
britannique sur le Brexit. Les volumes EUA échangés (1810 Mt) ont diminué par rapport au trimestre précédent (-7 %). Les volumes EUA échangés sur les bourses et sur les plateformes de courtage ont respectivement diminué de 11 % et augmenté de 20 %. La rentabilité théorique pour une centrale thermique au charbon a augmenté de 11 % pour s’établir en moyenne à 19,4 €/MWh en pointe pour l’échéance à un an. De même, celle d’une centrale thermique au gaz a augmenté de 60 % pour atteindre 6,1 €/MWh en pointe pour la même échéance. Ceci s’inscrit dans un contexte de hausse des prix à terme de l’électricité sur le
trimestre.
Faut-il tarifer le carbone ?
La loi de l’offre et de la demande n’a pas permis de relever le prix du carbone.D’où l’idée d’en fixer le prix de façon à intégrer les coûts des changements climatiques. L’ONG Shift Project estime que le marché de quotas carbone européen devrait atteindre 123 euros la tonne pour être efficace. Très loin des 5 euros actuels affichés sur le marché spot européen qui avait même coté brièvement en deça des 3 euros en janvier 2016.
Présidente de la COP21, la France avait unilatéralement fixé un prix plancher du carbone pour la production d’électricité à « environ 30 euros la tonne » dans le projet de loi de finances 2017. Cela s’ajoute à la TICPE, taxation fiscale verte sur les produits énergétiques, qui facture déjà la tonne à 22 euros et doit atteindre 56 euros en 2020.