Auteurs d’un rapport détaillé sur les conséquences du relèvement du capital minimum en zone CIMA,les analystes du cabinet Finactu ont accordé un entretien à Financial Afrik.
Financial Afrik : dans le rapport, vous dites que la réglementation sur l’augmentation du capital social nécessite d’être complétée, si la CIMA souhaite combiner son impératif légitime de solvabilité avec un impératif tout aussi important de concurrence ? Que faut-il faire pour renforcer la concurrence ?
La concurrence doit s’analyser en combinant deux critères. Le premier est celui de la qualité de la concurrence : il faut que la concurrence stimule l’innovation et la qualité de service. De ce point de vue, la nouvelle réglementation CIMA sur le capital social à FCFA 5 milliards va tout à fait dans le bon sens, en poussant hors du marché les petits acteurs non solvables qui faussaient la concurrence en tirant les prix par le bas ou en nuisant à la réputation du secteur. Cet effet est de loin le plus important, et cela suffit à saluer sans réserve la réforme. Mais il y a un autre critère : l’intensité concurrentielle. Il faut en effet qu’il y ait assez d’offre, c’est-à-dire au moins 3 compagnies par marché : en-deçà, un monopole, un duopole ou un oligopole ne peut pas assez une compétition suffisante et l’assuré sera lésé. Or la réforme aura pour effet de réduire massivement le nombre de compagnies, et laissera même, en l’état, plusieurs marchés sans aucune compagnie : alors que nous avons démontré qu’il fallait au minimum entre FCFA 15 et 20 milliards de chiffre d’affaires pour qu’une compagnie d’assurance vie survive, comment vont faire, par exemple, les autorités du Niger, de la Centrafrique, ou même du Congo (5 milliards) ou du Mali (7 milliards) ? Pour résumer, la nouvelle réglementation CIMA est vertueuse globalement, en réduisant l’excès d’offres et en améliorant la qualité de l’offre, mais, en l’état, elle peut avoir un impact excessif sur certains pays, notamment en assurance vie.
Financial Afrik : en dehors de la Côte d’Ivoire et du Cameroun, le marché de l’assurance vie est assez faible dans la zone CIMA. Faut-il une approche différenciée dans l’application de la réforme en tenant compte du poids des pays ?
Ce que FINACTU explicite dans l’étude, c’est qu’il existe plusieurs solutions possibles pour conserver tous les profonds effets positifs de la réforme, et éviter ou limiter ses effets négatifs. La libre prestation de service serait la solution la plus extrême ; mais on peut aussi imaginer des solutions plus simples comme – par exemple – un allongement du délai de certains pays pour se conformer à cette nouvelle exigence. Car n’oublions pas que cette réforme CIMA, en contribuant à l’assainissement du marché, vise aussi à renforcer la crédibilité du secteur, ce qui sera un facteur puissant de développement de l’assurance vie.
Financial Afrik : vous préconisez l’agrément unique ou la libre prestation de services comme en Europe. Est-ce que cela ne va pas railler les petits pays de la carte ?
Non, au contraire : sans agrément unique, un assureur vie du Mali ou du Niger n’a absolument aucune chance de survivre ; si l’agrément unique existe, et que – par exemple – l’autorité de contrôle apprécie le capital minimum et la marge de solvabilité au niveau consolidé, ce même assureur peut espérer atteindre la taille critique en souscrivant à cheval sur plusieurs pays.
Financial Afrik : quel parallèle à faire entre cette réforme et celles qu’ont connues le Maroc et le Nigeria ?
Le parallèle avec le Maroc est sans doute le plus intéressant. Le Royaume s’est attaqué à l’assainissement du marché en 1995, avec courage, en fermant 5 compagnies du jour au lendemain, prélude à un renforcement constant de la réglementation sur les 2 décennies qui ont suivi. Dans le même temps, les compagnies n’ont cessé de se regrouper pour survivre, s’engageant dans une double course : à la taille d’une part, à la qualité de service et à l’innovation d’autre part. Les effets sont faciles à mesurer, 20 ans plus tard : les grands groupes qui ont survécu à cette accélération de la sélection naturelle sont à la fois solvables, puissants, techniquement pointus, et ils n’ont aucun mal à partir à la conquête du reste du continent.
Financial Afrik : pouvez -vous revenir sur l’identité de votre cabinet et son expérience avec la zone CIMA?
Créé il y a plus de 15 ans, le Groupe FINACTU est un groupe dédié à l’Afrique, pratiquant des missions de conseil (stratégique et opérationnel) et de fusion et acquisition. Nous avons une forte spécialisation en assurance, l’un de nos 5 secteurs de prédilection (assurance, banque, protection sociale, private equity et politique publique). Nous conseillons et appuyons de nombreuses autorités de contrôle des assurances (CIMA, CGA en Tunisie, ACAPS au Maroc, EISA en Égypte, …) et nous sommes au service de la plupart des compagnies du continent, aussi bien Afrique sub-saharienne qu’en Afrique du nord. Notre particularité est d’être vraiment dédiée à l’Afrique, avec nos équipes, composées de nationaux de nombreux pays du continent, basées à Casablanca, et des équipes permanentes à Abidjan, Lomé et Libreville notamment.
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