C’est actuellement l’économiste le plus lu au monde parce que, contrairement à la plupart de ses confrères, il n’explique pas le monde, il essaie de le changer.
Dans l’interview qu’il a accordé à Financial Afrik, Ha-Joon Chang, fait revenir un mot: la confiance. Il faut, répête-t-il, que l’Afrique ait confiance en elle même. L’auteur du best seller « Kicking away the Ladder », « faire glisser l’échelle, en allusion à l’attitude des pays developpés, qui une fois au sommet du développement sont tentés d’empêcher les autres à les y rejoindre, considère que les politiques d’ajustement structurels n’ont pas réussi. Dans son livre Kicking Away the Ladder, Chang explique que la quasi-totalité des pays développés se sont enrichis en menant des politiques massivement interventionnistes et protectionnistes. Il pointe ainsi l’inconséquence ou l’hypocrisie qu’il y a à exiger des pays en voie de développement qu’ils ouvrent leurs marchés et privatisent leur économie, arguant que les politiques néolibérales imposées à ces pays au nom du développement sont en fait précisément ce qui les empêche de se développer.
S’adressant à l’Afrique, l’économiste note que même si les ressources naturelles rapportent de l’argent, elles peuvent être concurrencées un jour par des produits de rechange. L’industrialisation est la voie qui mène au développement, poursuit le professeur qui note que la plupart des succès enregistrés dans l’histoire de l’économie sont basés sur le protectionnisme des jeunes industries. Et de noter que l’expérience en matière de substitution des exportations n’a pas tellement réussi en Afrique contrairement en Corée et au Japon. «Il n’y a pas d’industrialisation sans un Etat qui collabore avec le privé « .
Problème, avec l’OMC, l’espace politique s’est rétréci. Pour M. Chang, l’instance multilatérale ne prive pas pour autant aux Etats les moyens de l’application de leurs politiques industrielles. Le professeur note que « l’OMC est devenu le meilleur ami des ministres paresseux».
Et de battre en brèche l’assertion selon laquelle la montée des chaînes de valeur mondiale empêcherait les pays en développement de s’insérer dans la mondialisation à moins de devenir des sous-traitants . «La Corée du Sud et Taïwan ont commencé par le bas à partir de la radio et du transistor . Au fil du temps , ils ont créé leur propre chaîne de valeur».
Tous les pays qui ont réussi leur développement ont fini au bout du processus par créer leurs proches chaînes de valeur, remarque M. Chang qui n’est pas d’accord avec l’idée disant que nous vivons dans une économie post-connaissance, post-industrielle. Balayant les arguments contre l’industrialisation de l’Afrique un par un, le professeur note en conclusion que sur le plan théorique et empirique, tous les arguments sur la non industrialisation de l’Afrique sont faibles.
L’autre protagoniste de cet entretien, Carlos Lopes, Secrétaire général exécutif de la CEA, est du même avis, considèrant lui aussi que la confiance est le moteur indispensable au développement. Disciple de Joseph Stiglitz, Ha-Joon Chang, qui a travaillé pour la plupart des institutions de développement (Banque Mondiale, BEI) a reçu en 2005 le prix Léontieff pour l’avancement des limites de la pensée économique. Dans l’entretien à lire dans le Financial Afrik n° 28, lui avons demandé s’il assumait sa réputation d’hétérédoxe. Sa réponse se passe de commentaires. De même, nous lui avons demandé si l’Afrique était capable de rééditer le miracle asiatique?