Par Maria Nadolu/
Le Conseil d’Europe déclare dans un de ses textes fondateurs : “Le dialogue entre les cultures, mode de conversation démocratique le plus ancien et le plus fondamental, est un antidote au rejet et à la violence. Son objectif est d’apprendre à vivre ensemble dans la paix et de manière constructive dans un monde multiculturel, et de développer un sens de la communauté et un sentiment d’appartenance».
Est-ce que les mots gardent leur pouvoir créateur?
Est-ce que ce langage reste d’actualité ? Est-ce que les mots gardent leur pouvoir créateur? Est-ce que la dynamique quotidienne reflète ce manifeste ? Dans un monde où le concept d’altérité crée toujours des tensions et des «crises », la question s’impose. Comment envisager un futur plus inclusif, plus humain, plus intégré ?
Peut-être, devrait-on se diriger vers les jeunes et leur demander cette question. Après tout, le futur leur appartient. Comment créer un réel dialogue interculturel, survoler les différences et se rejoindre dans une communion ?
Il y a quelques jours, j’ai eu le plaisir de parler à Gioel Gio, la directrice générale de Recrear, une organisation internationale des jeunes, basée au Canada. A 27 ans, elle est une vraie citoyenne du monde, avec un cœur italien, une éducation internationale et une expérience du travail impressionnante dans le développement. Elle parle plusieurs langues avec la même éloquence, d’où émane plein d’énergie et de sourires. Elle change du continent presque tous les mois. Je suis tombée sur elle à son retour de Montréal où elle venait d’organiser Recrear Magnify, l’évènement signature de l’organisation. Traditionnellement, Magnify rassemble un groupe de jeunes du monde entier qui vivent, travaillent et apprennent ensemble pour deux semaines. C’est du dialogue interculturel – nouvelle vague.
Les participants font des recherches en commençant par eux-mêmes. Depuis cinq ans, ils se retrouvent dans des lieux différents autour du monde, de Cuba jusqu’au Maroc, mais la promesse reste la même : une session puissante et intime de culturel jamming, où l’on partage les techniques de recherche Recrear. L’histoire débute en 2010 quand un groupe hétéroclite de jeunes, animés par le besoin de découvrir plus sur soi-même et le monde, en dépassant les limites de ce qu’ils voyaient autour d’eux en termes du développement international, ont produit le premier évènement ; ce qu’ils ont appelé une «conférence» n’avait rien à faire avec le concept classique ; ils laissent derrière toute formalité et tout cadre en s’aventurant dans l’observation et l’expérimentation; ce qu’ils gardaient c’était le partage d’idées et le sens de la recherche et du développement, mais la dynamique changeait.
Surmonter l’idée des differences
Le but c’était de réunir des jeunes de différents pays, de générer un genre d’expérience interculturelle, d’une manière très fluide, pour tester les choses. Depuis ce moment, ils ont évolué d’une manière organique et ils ont pu organiser en collaborations des acteurs locaux, régionaux et internationaux, des projets en Palestine, au Maroc, à Cuba, en Equateur, au Canada etc.
Gioel explique l’approche: «La formule est simple, essayant de surmonter l’idée des différences entre les pays en développement et les pays développés, en essayant d’amener des jeunes à se connecter avec d’autres jeunes et de partager des connaissances».
Ils travaillent en partenariat avec différentes organisations, des universités, des groupes communautaires, des organisations internationales comme les Nations Unis, le Caribbean Youth Environmental Network, et ils essayent de répondre à des besoins concrets que les organisations traitent: du changement climatique au principe des démocraties en passant par le développement durable etc.
Pendant la première année, après leur premier évènement, ils ont vécu le moment clef de leur métamorphose, ont pris un peu de recul, afin de comprendre comment se positionner, affiner leurs outils pour qu’ils puisse répondre aux besoins réels : comment les jeunes perçoivent-ils ces organisations, quel type de recherche peut-on y développer ?
Ils ont organisé un projet en Equateur, passant environ quatre mois au district d’Esmeraldas, dans la communauté afro. En associations avec des municipalités, ils ont créé une série d’ateliers et ils se sont mis au travail avec un groupe de jeunes. Selon Gioel, le but était de mettre ensemble des techniques pour faire de la recherche dans des façons amusantes et entrainantes. «Et nous avons essayé de comprendre comment les jeunes perçoivent la société civile, comment ils se rapportent à elle. Nous étions là admettant que nous ne savons rien, essayant d’apprendre.» Ce fut le déclic : à partir de ce moment, ils ont commencé non seulement à apprendre tplus,mais aussi à voir les choses d’une manière différente et fraîche.
Il y avait aussi le sentiment d’un impact différent. «Vous mettez un groupe de personnes ensemble, et peut-être qu’ils appartiennent à la même communauté, mais si ils réfléchissent sur la communauté, à partir d’une nouvelle perspective, et d’un cadre renouvelé, il y a des choses inédites qui ressortent… Nous voulions connaître l’existence des jeunes dans leurs communautés, nous voulions créer une connexion entre nos âmes et les leurs pour avoir accès à une information qui pourrait créer une différence ».
Parmi les outils, ils ont conçu des exercices utilisant des techniques créatives : de l’écriture créative, lançant des questions de type «que faites-vous quand vous êtes en colère ?», «Ou allez-vous quand vous êtes triste ?», «quel est le sentiment que vous avez quand vous voyez un policier ? » ; du théâtre ; de la photographie ; des débats.
Par exemple, ils demandent aux participants de dessiner la carte du monde, en demandant comment ils voient le monde ou bien d’écrire une lettre à une autorité en leur disant comment ils souhaitent que leur monde se développe dans les cinq ans à venir. A la fin, ils rédigent avec les jeunes impliqués, des recommandations pour le partenaire sur le sujet d’étude. Au cours du processus, ils créent tout un e- media buzz, en utilisant leur blog et autre plateformes en ligne. En parlant d’Afrique, où ils ont déjà des contacts, Gioel voit le potentiel de l’évolution de leur réseautage et de leurs activités « Nous serions ravis de nous connecter avec plus de groupes de jeunes en Afrique, afin de partager et de grandir ensemble ».