«La contribution de nos activités sur le continent hors du Maroc dépasse aujourd’hui les 25%»
Dans cet entretien publié dans le dossier «Banques et bancarisation» paru dans Financial Afrik numéro 20, Boubker Jaï, directeur général d’Attijariwafa Bank, institution leader au Maroc, en Afrique du Nord et en zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), évoque la spécificité de son modèle et ses perspectives.
Lors de la dernière tournée royale en Afrique, Attijariwafa bank a signé une série d’accords. Pouvez-vous revenir sur la substance de ces engagements ?
Permettez-moi, de prime abord, de vous dire que la participation du groupe Attijariwafa bank à la dernière visite Royale est une formidable opportunité pour nous de mobiliser nos moyens et galvaniser nos équipes afin d’accompagner efficacement l’élan de développement imprimé par Sa Majesté le Roi, que Dieu l’Assiste, aux relations économiques du Maroc avec les autres pays africains. Ainsi, au cours des visites du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, Attijariwafa bank a signé plusieurs conventions relatives à des financements de projets d’infrastructures, à l’accompagnement de projets à caractère social, à la fourniture de conseil et d’assistance technique en matière de financements complexes, à l’accompagnement de divers secteurs vitaux de l’économie tels que celui des PME et d’autres.
Il s’agit de quatorze accords de coopération et mémorandums d’entente signés, soit dans le cadre de partenariats bilatéraux impliquant uniquement notre Groupe à d’autres entités publiques et/ou privées, soit dans le cadre de partenariats auxquels notre Groupe est partie prenante aux côtés de structures publiques ou opérateurs privés. (NDRL: voir encadré).
Vous avez ouvert ces dernières années plusieurs agences, notamment en Côte d’Ivoire. Comment arrivez-vous à concilier expansion et rentabilité ?
Le modèle économique d’Attijariwafa bank repose sur son modèle de distribution de produits bancaires et financiers qui fait sa force, notamment au Maroc. S’adapter à l’environnement économique, répondre aux vrais besoins des différents segments de clients particuliers, très petites et moyennes entreprises, grandes entreprises, multinationales, entreprises publiques et Etats, demeure l’objectif central du groupe Attijariwafa bank au Maroc et dans les autres pays. Pour y arriver, la proximité avec ces agents économiques est capitale et c’est à travers des agences, à chaque fois conçues en fonction des cibles recherchées, que les produits et services bancaires pourront être distribués de manière efficace et rentable.
L’expérience acquise par le Groupe au Maroc où nous disposons d’un réseau de plus de 1100 agences bancaires et 1300 agences de notre filiale Wafacash opérant dans le Low Income Banking nous permet de faire bénéficier nos filiales de l’expertise en matière de méthodologie de choix des implantations d’agences, du coût de l’investissement dans les locaux, de recrutement et formation du personnel amené à y travailler, etc.
Afin de concilier cette expansion avec la rentabilité attendue, tout est question d’étude de marché et d’optimisation des moyens. L’expérience acquise par le Groupe au Maroc où nous disposons d’un réseau de plus de 1100 agences bancaires et 1300 agences de notre filiale Wafacash opérant dans le Low Income Banking nous permet de faire bénéficier nos filiales de l’expertise en matière de méthodologie de choix des implantations d’agences, du coût de l’investissement dans les locaux, de recrutement et formation du personnel amené à y travailler, etc. Jusqu’à présent, les déploiements des réseaux opérés en Afrique subsaharienne et ailleurs nous confortent dans nos choix et nous permettent de poursuivre dans cette voie.
Que représente aujourd’hui l´ensemble des filiales de l’Afrique subsaharienne dans le modèle Attijariwafa bank ?
Je comprends par votre question, la contribution de nos filiales bancaires africaines aux principales réalisations du groupe Attijariwafa bank. Depuis notre ouverture sur le continent africain soit par le biais d’acquisitions ou de création en Greenfield, les réalisations de nos filiales se sont inscrites dans des tendances annuellement haussières et de manière conforme à nos attentes et aux ambitions de notre plan stratégique.
Aujourd’hui nous sommes présents dans 13 pays africains en dehors du Maroc. Les réalisations de nos filiales sont conformes à nos attentes tant en termes de déploiement du réseau de distribution, des actions de bancarisation, de participation active au financement de l’ensemble des agents économiques qu’en termes de déploiement progressif des bonnes pratiques de la maison mère en matière de gouvernance et d’approche des différents segments de clients.
Sur les presque 5.700 collaborateurs qui animent les 622 agences et points de vente en Afret qui servent près de 1,8 millions de clients, nous comptons à peine 34 expatriés de la maison-mère.
Ces réalisations sont aussi en adéquation avec nos différentes projections initiales en termes de PNB qu’en résultat. La contribution de nos activités sur le continent hors du Maroc dépasse aujourd’hui les 25% et serait amenée à croître d’avantage, les prochaines années.
L’autre élément, qualitatif celui-ci, confortant notre stratégie d’ouverture sur le continent, estl’engagement et la formidable mobilisation de nos collègues maghrébins et subsahariens qui se sont appropriés avec professionnalisme le modèle de banque universelle déployé par nos filiales en l’alimentant régulièrement des bonnes pratiques de la profession bancaire à travers, notamment, les échanges permanents qu’ils entretiennent avec leurs collègues de la maison mère.
D’ailleurs, et il est important de le souligner, sur les presque 5.700 collaborateurs qui animent les 622 agences et points de vente et qui servent près de 1,8 millions de clients, nous comptons à peine 34 expatriés de la maison-mère.
Votre absence des marchés majeurs comme le Nigéria et les pays anglophones en général n’est-il pas un handicap par rapport à la concurrence ?
La stratégie du Groupe en matière de croissance externe privilégie une démarche progressive de manière à consolider systématiquement ses investissements tout en étant attentif aux opportunités qui se présentent sur le continent. Ainsi, les trois régions économiques investies jusqu’à présent que sont le Maghreb, l’UEMOA et la CEMAC sont complémentaires et très cohérentes du point de vue économique, linguistique et culturel. La concurrence y est très développée avec une maturité des secteurs bancaires et financiers grandissante. Les autres pays, limitrophes à ces trois zones ont des environnements économiques quelque peu différents nécessitant des démarches spécifiques. Ils font partie des zones d’intérêt du Groupe et feront l’objet, à plus ou moins brève échéance, d’une intervention directe du groupe Attijariwafa bank. S’agissant du fait que cela pourrait être un handicap par rapport à la concurrence, honnêtement je ne le pense pas. Attijariwafa bank est classée en sixième position par le total actif et par les revenus sur le continent derrière 4 banques sud-africaines et une banque égyptienne depuis plusieurs années confirmant, si besoin est, la robustesse et la pertinence de la stratégie adoptée.
L’Afrique subsaharienne est caractérisée par une faible inclusion financière, un taux de bancarisation faible et des concours bancaires à l’économie modeste ? Quels sont vos niveaux de financement à l’économie dans vos pays d’implantation ?
La bancarisation est l’un des principaux éléments qui favorise l’inclusion financière, laquelle contribue à réduire progressivement les inégalités et la pauvreté et à favoriser la croissance économique intéressant le plus grand nombre.
Nous participons à la bancarisation en nous appuyant sur une politique volontariste d’extension de nos réseaux bancaires dans une logique de capillarité, d’élargissement de la base clientèle par l’ouverture massive de comptes à de larges segments de clientèle et de collecte soutenue des ressources et de l’épargne à long terme. Cela contribue non seulement à « démocratiser » l’accès aux services bancaires mais aussi à intégrer dans le circuit bancaire et donc formel des activités jusqu’à présent considérées comme informelles.
Mais à côté de cette approche qui favorise l’accès au crédit bancaire, notre modèle de banque universelle mais aussi et surtout l’expertise de nos différentes filiales spécialisées nous permettentd’adresser l’ensemble de ces agents économiques.
Nos parts de marchés qui nous situent dans les premières positions des banques de nos principaux pays d’implantation témoignent de notre dynamique en matière de distribution de crédits qui profite à tous les segments clientèle (Etat et démembrements, Multinationales, Groupes régionaux ou locaux, Grandes Entreprises, PME etc.).
Il est également important de souligner que notre expertise dans les métiers de banque d’affaires et de banque d’investissement nous positionne de plus en plus dans le conseil, le pilotage de la réalisation de financements structurés dans divers grands projets à travers des schémas adaptés en termes de pricing, de maturités, de structuration et de capacité de syndication tant auprès de bailleurs de fonds locaux qu’étrangers.
Nous avons aussi un rôle à jouer dans le domaine du Private Equity à travers la levée de fonds à destination du marché africain qui constituera à nos yeux, de plus en plus, une alternative à la montée de l’aversion au risque sur les marchés internationaux. Cela ayant tout naturellement des retombées bénéfiques tant pour les investisseurs (Niveau du TRI des investissements en Private Equity en Afrique a été supérieur de 20% par rapport aux marchés développés au titre de la dernière décennie), que pour la gouvernance des entreprises africaines et le renforcement de leurs fonds propres.
Notre accompagnement à l’émergence de la croissance en Afrique se situe dans nos contributionsdans le conseil financier des gouvernements pour la structuration et le pilotage financier decertains aspects de leurs plans de développement sectoriel. Il en est de même de nos interventionssur le marché financier par des émissions d’emprunts obligataires pour le compte des Etats et ses démembrements.
Il s’agit, en fait, de toutes les palettes d’intervention bancaire et financière d’un Groupe panafricain intégré.
L’une de vos filiales, Wafa Assurance a obtenu des agréments pour opérer dans certainspays de la région. Comment le pôle Assurance entend-il travailler avec le pôle bancaire d’Attijariwafa bank ? Va-t-on vers la reproduction du modèle qui a réussi au Maroc ?
Effectivement, nous disposons d’une feuille de route qui vise à consolider notre positionnement dans nos différents domaines d’expertises à travers le déploiement progressif auprès de nos filiales subsahariennes, des métiers de nos filiales marocaines spécialisées dans les domaines du crédit à la consommation, de l’immobilier, du transfert d‘argent, de l’immigrant banking, de modèle de banque économique, du leasing, des activités de conseil et de montages structurés de financements, de gestion des flux, etc.
Les activités d’assurances font bien entendu partie de cette feuille de route. A l’instar du potentiel important pour le taux de bancarisation, le niveau de pénétration des produits d’assurance recèle des gisements de croissance encore plus considérables et nécessite une approche méthodique et globale.
L’objectif étant, d’une part, de déployer le modèle de bancassurance intégré qui constitue un véritable catalyseur du développement de la branche Vie et, d’autre part, capitaliser sur le savoir-faire technique de Wafa Assurance et les synergies commerciales avec nos filiales bancaires afin de proposer une offre adaptée en produits d’assurance Non-Vie aux entreprises et aux personnes.
Nous avons aussi un rôle à jouer dans le domaine du Private Equity à travers la levée de fonds à destination du marché africain qui constituera à nos yeux, de plus en plus, une alternative à la montée de l’aversion au risque sur les marchés internationaux. Cela ayant tout naturellement des retombées bénéfiques tant pour les investisseurs (Niveau du TRI des investissements en Private Equity en Afrique a été supérieur de 20% par rapport aux marchés développés au titre de la dernière décennie), que pour la gouvernance des entreprises africaines et le renforcement de leurs fonds propres.
Monsieur le directeur général, comment la transition d’une banque marocaine à une banque panafricaine se gère-t-il sur le plan de la gestion des ressources humaines ?
La croissance externe, lorsqu’elle est significative et concerne d’autres pays que celui d’origine, nécessite une refonte du modèle d’organisation et une adaptation des modes de gestion et, dans une certaine mesure, de la culture d’entreprise.
En effet, il s’agit pour tous les managers, en permanence, de penser globalement et agir localement. C’est donc autant l’organisation qu’il faut faire évoluer que les mentalités et la manière d’agir.
Le plan stratégique du Groupe démarré en 2011 a été l’occasion de concrétiser ce virage et installer une organisation matricielle où le pilotage, la gestion et les moyens de la maison mère, mais également des filiales au Maroc ainsi que des filiales bancaires hors du Maroc ont été fortement remaniés pour que toutes les capacités du groupe soient mobilisées dans tous les projets menés et ce, dans les différents pays où nous sommes implantés.
L’implication de collègues de divers horizons et cultures favorise l’émulation, le transfert de savoir-faire et enrichit considérablement la qualité des livrables au sein du Groupe. Que ce soit dans la mise en place d’un nouveau système d’information, de la plateforme monétique ou duprocess de gestion des risques, pour ne citer que ces exemples, les niveaux de qualité des réalisations démontrent que le bon modèle est celui qui se partage et bénéficie des best practices du plus grand nombre.
Parallèlement, le groupe accorde une place centrale à la formation et au perfectionnement des connaissances et compétences de ses collaborateurs. Il dispose de quatre académies qui œuvrent à Casablanca, Tunis, Dakar et Douala et assurent la formation continue du personnel et celle relative aux techniques bancaires au bénéfice des nouvelles recrues.
En outre, au siège social de Casablanca, le Groupe recrute et forme chaque année plusieurs dizaines de jeunes diplômés subsahariens pour des durées de deux années, voire davantage, pour acquérir une première expérience et s’imprégner de la culture du Groupe avant de rejoindre leur pays d’origine.
Finalement, c’est de ce brassage permanent des compétences, de cette organisation conçue et tournée vers des objectifs communs et de cette culture d’entreprise partagée que le groupe Attijariwafa bank est devenu en l’espace d’une dizaine d’années, une banque panafricaine de référence.
Les 14 conventions signées à Dakar et à Abidjan en juin 2015 lors de la dernière tournée de Sa Majestè le Roi Mohammed VI (Ici en photo avec son excellence Alassane Ouattara, président de Côte d’Ivoire).
Trois conventions au Sénégal:
– Une convention de partenariat relative au financement et à la réalisation d’un point de débarquement aménagé de pêche à Soumbedioune dans la région de Dakar. Attijariwafa Bank assurant au niveau de cette convention le rôle de maître d’ouvrage délégué pour la bonne conduite des appels d’offres, le suivi des décaissements et la réalisation du projet dans les conditions et délais convenus ;
– Une convention destinée à encadrer et parfaire le financement à hauteur de 3,8 Milliards FCFA des travaux de réhabilitation et de construction d’un mur de clôture de 120 Km pour la sécurisation du Ranch de Doly d’une superficie de 87.500 ha. Cette réhabilitation devant ainsi permettre au Ranch de Doly de répondre au double objectif de sa création initiale : promouvoir l’élevage de ruminants domestiques dans le souci de réguler l’approvisionnement en viande de la ville de Dakar et des autres grands centres urbains du pays, d’une part, et favoriser la préservation de la diversité biologique dans la zone, d’autre part.
– Une convention de partenariat et de coopération avec l’Agence Nationale pour la Promotion des Investissements et des Grands Travaux (APIX) portant sur l’échange d’informations, la promotion de l’investissement au Sénégal sur l’ensemble des pays de présence du groupe Attijariwafa bank ainsi que le développement d’un dispositif de soutien aux investisseurs.
11 conventions en Côte d’Ivoire
– Un accord portant sur la cession de 39% sur le total de 49% de la participation de l’Etat de Côte d’Ivoire dans le capital de la SIB (Société Ivoirienne de Banque). Avec ce transfert de 39%, le groupe Attijariwafa bank porte sa participation dans le capital de la SIB de 51% à 75%. Il s’engage par ailleurs à introduire à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières 12% et céder 3% du capital au personnel de la SIB.
– Deux accords portant sur la sauvegarde et la valorisation de la Baie de Cocody, et ce,à travers d’une part, une convention de mandatement d’Attijariwafa bank pour les missions de conseil, structuration et d’arrangement en vue de la levée de fonds pour un montant de 100 Milliards FCFA pour financer le projet, et d’autre part un protocole d’accord relatif à un financement prioritaire de 10 Milliards FCFA destiné à la finalisation des études techniques et à la réalisation d’une première tranche de travaux.
– Un accord portant sur la réalisation d’un deuxième point de débarquement aménagé de pêche artisanale visant à améliorer les conditions de vie et de travail de la communauté des pêcheurs de la ville du Grand Lahou. Le financement de ce projet dont le coût s’élève à 1,2 Milliards FCFA est assuré par la Fondation Mohammed VI pour le développement durable à hauteur de 65% et le Ministère marocain de l’Agriculture et de la Pêche maritime à hauteur de 35%. Le groupe Attijariwafa bank y assurant le rôle de maître d’ouvrage délégué en supervisant les appels d’offres, les règlements des travaux et le respect des conditions et délais de travaux.
– Une convention portant sur le déploiement des activités d’assurance en Côte d’Ivoire à travers notre filiale Wafa Assurance visant à contribuer activement au renforcement du marché de l’assurance à travers la création de deux compagnies Vie et Non Vie.
– Un partenariat avec la Fédération Ivoirienne des PME portant sur l’échange d’informations, la promotion de la mise à niveau des PME et de l’investissement productif ainsi que le développement d’un dispositif de soutien des PME ivoiriennes.
– Un mémorandum d’intention signé avec la société Bloomfield Investment Corporation et l’Assemblée des Régions et Districts de Côte d’Ivoire et par lequel chacune des parties s’engage à apporter son expertise pour les régions et districts de Côte d’Ivoire en matière de conseil en structuration économique, juridique et financière ainsi qu’en mobilisation de fonds propres ou d’arrangement, de structuration et de syndication de dette bancaire classique ou obligataire.
– Un mémorandum d’entente signée avec le responsable pays du Groupe Cargill et la directrice pays de la SFI portant sur l’élaboration d’un programme de crédit-baildestiné aux coopératives agricoles fournisseurs de matières premières à Cargill. Notre filiale ivoirienne intervenant au niveau du leasing sous couvert d’un mécanisme de partage de risques avec la SFI.
– Une convention portant sur le soutien à la scolarisation des enfants et des jeunes filles du département Korhogo et par lequel le groupe Attijariwafa bank apporte un don financier à Care Côte d’Ivoire qui est une ONG à but non lucratif.
– Une convention portant sur le soutien à la création des classes préparatoires au Lycée Blaise Pascal se traduisant par un don financier apporté par le groupe Attijariwafa bank à l’Association de Gestion de Blaise Pascal en vue de la construction et de l’équipement des classes préparatoires au niveau de ce Lycée.