Adama Wade, envoyé spécial
L’évasion fiscale coûte 500 milliards de dollars par an aux pays en développement
Derrière les déclarations de principe sur une nécessaire coopération entre pays du Nord et du Sud en matière de fiscalité, il y a la réalité des affaires et la violence des chiffres.
L’évasion fiscale coûte 500 milliards de dollars par an aux pays en développement, d’où leur volonté de vouloir la mise en place d’un dispositif efficace au niveau mondial pour lutter contre les fraudes fiscales.
De l’autre côté du mur, les pays de l’OCDE qui abritent l’essentiel des paradis fiscaux ne souhaitent pas voir le très consultatif comité de l’ONU sur la Fiscalité prendre du galon pour devenir une instance autonome chargée d’asseoir une gouvernance mondiale en matière de fiscalité.
Union sacrée entre Londres, Paris et Washington
Hormis quelques pays nordiques, l’on sent sur la question une belle unanimité transatlantique. Londres, Paris et Washington œuvrent de concert tandis que la Chine manœuvre dans les coulisses sous la bannière du G77, ce groupe de pression efficace dans les négociations mondiales.
La problématique de la fiscalité a été propulsée au devant de la scène suite à la publication du rapport Tabo Mbeki lequel fait état de 60 milliards de dollars transférés de l’Afrique de manière illicite. Le doigt pointé de l’ancien président sud-africain sur les multinationales, à l’origine de 60% des transferts illicites qui prennent le départ de l’Afrique, à travers diverses techniques, emmènent les délégués à discuter de la question fiscale mais aussi de l’encadrement des multinationales.
Des progrés malgré tout
En dépit de la fracture entre Nord et Sud, certains délégués africains notent des progrès. «Si les pays dèveloppés ne souhaitent pas une gouvernance fiscale, ils acceptent le principe d’une coopération accrue pour stopper ces flux financiers. A mon sens c’est un progrès», explique un membre d’une délégation d’un pays ouest africain. Si l’ampleur de l’évasion fiscale est importante, l’on note d’un autre côté une évolution nette du recouvrement des taxes dans les pays en développement ainsi que l’a rappelé le premier ministre éthiopien, Hailè Mariam Dessalegn, citant le FMI. Le volume collecté est passé de 1 500 milliards de dollars en 2000 à 7000 milliards en 2014.
ODD, oui mais quid du nerf de la guerre ?
L’autre point de clivage concerne la question du financement des 17 points des objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030. L’un de ces objectifs, l’éradication de l’extrême pauvreté, nécessitera un financement additionnel de 66 milliards de dollars par an, rappelle Sam K. Kitesa, président de la 69e assemblée générale de l’ONU.
Quant aux investissements nécessaires pour combler le gap des infrastructures (énergie, eau et transport), ils sont estimés entre 5 et 7000 milliards de dollars par an. Sur ce volet, l’Afrique accuse un gap de 95 milliards de dollars. Des chiffres à rapprocher de ceux avancés par Jim Yong Kim, le président du groupe de la Banque Mondiale qui estimait à l’entame de la Confèrence d’Addis Abeba que les concours de l’institution sous forme de prêts et de garantie sont passés de 50 milliards de dollars par an à 127 milliards de dollars entre 2000 et 2015, suite à l’implémentation des OMD. Sur 2016-2018, ces concours atteindront 400 milliards de dollars.
Le Sud doit aussi mettre la main à la pâte
Certainement le financement des ODD ne viendra pas que du Nord mais devra intégrer la nouvelle donne. Les pays en développement qui sont passés de 28 à 42% de parts de marchés dans le commerce mondial durant les deux dernières décennies selon Roberto Azevedô, directeur général de l’OMC, doivent jouer leur partition. L’organisme basé à Genève consacre 245 milliards de dollars dans son initiative de soutien au commerce (Aid for Trade Initiative). Une initiative louable qui gagnerait à être renforcée.