L’arbre qui cache la forêt
Tous nos médias, journaux, radios et télévisions sont polarisés sur le sujet grec. C’est certes important, pour la Grèce, les Grecs, l’Europe, mais la sortie de la Grèce de la zone euro ne semble pas, plus, constituer, pour les marchés, un risque systémique. Au cours des derniers jours, l’euro ne s’est pas effondré, les bourses ont accusé le coup, mais sans plus.
Or, dans le même temps, depuis la mi-juin, la Chine enregistre un véritable krach boursier.
La bourse de Shanghai, la Shanghai stock exchange (SSE) a atteint le 12 juin le sommet de de 5.166 points. Depuis l’indice de Shanghai accuse une chute de 30 %. De son côté, l’indice de la bourse de Shenzhen, et l’indice des valeurs technologiques, le ChiNext, ont, sur la même période, également chuté dans les mêmes proportions.
Depuis sa création en 1990, la Bourse de Shanghai a connu plusieurs envolées des cours : 130 % en 2006, près de 100 % en 2007, et l’indice a culminé en octobre 2007 à 6 124 points. La crise financière de 2007-2008 a entraîné un repli de près de 50 % à 3189 points le 19 juillet 2009.
Depuis, la bourse est redevenue le placement favori des ménages. Attirés par l’appât du gain facile et rapide, les particuliers ont délaissé l’immobilier. Une envolée a démarré à l’été 2014. Elle s’est accélérée avec la politique monétaire favorable engagée en novembre 2014 ainsi qu’avec le recours à l’endettement pour acheter des actions. Une centaine de millions de chinois posséderaient des actions.
En un an, la Bourse de Shanghai a enregistré une hausse de 130 %, avec l’ouverture de 10 millions nouveaux comptes. De son côté, l’indice ChiNext a augmenté de 170 % sur le premier semestre 2015.
Pour enrayer la chute, la banque centrale a baissé ses taux d’intérêt. Mais cela n’a pas empêché les jeudi 2 et vendredi 3 juillet noirs. Un repli de 3,48 %, jeudi 2 juillet, suivi d’une chute de 5,77 % vendredi 3. Inquiets, les épargnants liquident leurs positions, et ont accentué le mouvement de repli. En une semaine, la Bourse de Shanghai a baissé de 12%, l’indice a atteint 3 686 points, et près de 2 800 Mds€ se sont envolés.
Jusqu’à vendredi dernier, les autorités chinoises considéraient la correction positive pour enrayer la spéculation et stabiliser le marché. Mais la baisse des deux jours noirs les a poussées à prendre samedi et dimanche des mesures exceptionnelles pour essayer de stabiliser le marché, et permettre à certains de sortir sans trop de pertes.
Au-delà d’une mesure comme la suspension de tous les projets d’introduction en Bourse, il en est une qui est sujette à caution. Les autorités ont permis qu’un bien immobilier puisse servir de garantie des prêts des courtiers dans les opérations d’achat d’actions à crédit. Cette disposition peut soulager certains actionnaires, mais aussi constituer un facilitateur de spéculation, et entrainer un risque de propagation de la baisse des actions au marché immobilier.
Dans le même temps, les 21 plus importantes sociétés de courtage du pays ont décidé d’investir au moins 17,4 Mds€ en actions, et ne seront pas revendus tant que l’indice sera à 4.500 points ; elles se sont par ailleurs engagées à garder les actions détenues au 3 juillet.
28 chefs d’entreprises technologiques et les responsables des 25 principaux fonds communs de placement ont promis de souscrire à des actions de leur propre entreprise ou des parts de leurs propres fonds. De leur côté, les plus grandes banques publiques, comme la Bank of China, l’Agricultural Bank of China et ICBC ainsi que l’assureur China Life sont intervenus pour soutenir leurs cours.
La Commission chinoise de régulation des marchés financiers (CSRC) a décidé d’espacer le rythme des cotations à venir et en plafonner les montants.
Il n’est pas sûr que l’ensemble de ces mesures freinent la chute. Il est vraisemblable qu’elle la ralentisse, car il est probable que les actionnaires saisissent l’opportunité de récupérer le maximum de leurs placements.
Cette explosion de la bulle financière intervient à un moment compliqué pour l’économie chinoise, marquée par le ralentissement de la production industrielle, et plus généralement de la croissance, réorientation du modèle économique, lutte contre la corruption…De même, les autorités chinoises voyaient favorablement cette hausse car elles étaient censées permettre aux indices chinois d’intégrer les indices internationaux. La chute contrarie cet objectif, et devrait avoir un effet négatif sur la croissance chinoise.
La Chine étant la première économie mondiale en termes de PIB en parité de pouvoir d’achat, ce krach boursier va avoir des effets sur l’économie mondiale beaucoup plus que le problème de la Grèce dont le PIB grec ne représente que 2 % de celui de la zone euro.
Dov ZERAH