Des responsables du Groupe Société Générale avaient mis la main sur le projet macroéconomique d’un étudiant sénégalais en 2004 sur la bi-bancarisation des immigrés et toute la stratégie qui la sous-tend. La justice s’est exprimée en plusieurs temps.
La banque se serait servi du projet de l’étudiant Kéba Diop (photo) pour mettre en place son projet » Votre banque ici et là-bas » à partir de 2007. Ledit projet conçu en 2003 repose sur la commercialisation d’un nouveau type de compte bancaire pour les immigrés africains : le compte double.
Ce dernier permet aux immigrés d’ouvrir simultanément un compte bancaire ici en France et autre compte là-bas dans leur pays d’origine (d’où ici et là-bas). Et toutes les formalités d’ouverture de comptes sont faites à partir de la France.
Ce projet intitulé « Transcompte » avait été au préalable déposé à l’INPI en novembre 2003. Il a d’ailleurs été primé pour son originalité et pour son caractère innovant par la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse, dans le cadre du Concours régional des étudiants créateurs d’entreprise (Crece), en 2004.
C’est cette reconnaissance de l’originalité du projet qui a conduit aux premiers contacts avec la Société Générale au mois de février 2004. Durant le premier semestre de l’année 2004, plusieurs échanges ont lieu entre le jeune diplômé et de hauts responsables de la banque. Le projet est même présenté à leur demande aux responsables du service direction de la stratégie et du marketing de la Société Générale à leur siège à Paris la Défense.
Une fois que la banque a eu toutes les informations, elle aurait selon Mr Diop, répondu qu’elle ne souhaitait pas donner suite à son innovation.
En 2005, la Société Générale démarre un nouveau projet qui repose sur la double relation bancaire qu’elle va intituler « Votre banque ici et là-bas. Selon l’étudiant, la double relation bancaire que prône la Société Générale est exactement l’équivalent de son projet de compte double ou de la bi bancarisation. «Le seul élément apporté par la banque dans ce projet est le service Maetis. C’est un contrat d’assurance rapatriement de corps : tarifs entre 2,22 euros et 4 euros par personnes et par mois», explique-t-il. Le Maetis est un service optionnel de plus associé au compte double.
C’est la raison laquelle, Mr Diop s’est rapproché de la Société Générale au début de l’année 2009 pour trouver un règlement à l’amiable. La banque argue que ce projet macroéconomique était le fruit d’un développement interne et nie tous les contacts avec l’étudiant.
Le jeune entrepreneur sénégalais porte plaint contre la banque française en 2009 pour « concurrence déloyale ». Il sera débouté par le Tribunal de grande instance de Toulouse en janvier 2012. Pour cause, il n’a pas la qualité ni l’intérêt à agir en concurrence déloyale du fait qu’il n’opère pas sur le marché ; ce n’est pas un opérateur économique.
Mr Diop va faire appel en mettant l’accent sur la notion de « parasitisme » qui repose sur le fait pour un agent économique de s’inspirer sensiblement ou de copier une valeur économique d’autrui.
Après des années de procédure, la Cour d’Appel de Toulouse confirme les accusations de l’étudiant et condamne le groupe bancaire pour parasitisme dans un arrêt du 29 janvier 2014.
La Cour d’Appel de Toulouse estime qu’après avoir décliné l’offre de Mr Diop qui n’était encore qu’étudiant, les banquiers parisiens ont repris son projet en 2007. La Société Générale a été condamnée par la Cour d’appel de Toulouse à payer 80 000 euros de dommages et intérêts à Kéba Diop, pour « agissements parasitaires » alors qu’il demandait 15 millions de dommages et intérêts pour, selon sa défense, «un projet volé et repris par la banque et qui a généré des milliards d’euros».
La Cour d’Appel précise dans cet arrêt le service ‘Votre banque ici et là-bas’, commercialisé par la Société générale depuis 2007, a repris que deux éléments innovants du projet « Transcompte » développé par Kéba Diop.
Selon le jugement, les deux éléments copiés sont :
– la création d’un double compte, support indispensable à la phase épargne et investissement dans le pays d’origine ;
– la création d’agences dédiées aux communautés étrangères avec du personnel de même origine ».
La Société Générale s’est pourvue en cassation, en prétendant qu’elle disposait déjà en 2004 d’un service de transfert d’argent par téléphone(« I-TRANSFERT ») qui intégrait déjà le projet de l’étudiant et, par conséquent, elle n’a pas copié ledit projet;
Et c’est son service « I-TRANSFERT » qui serait à l’origine du projet macroéconomique « Votre banque ici et là-bas »
Par arrêt du 31 mars 2015, la Cour de Cassation rejette le pourvoi de la Société Générale. la Cour de Cassation après étude des 2 systèmes en cause, déclare
que le service I-TRANSFERT de la banque est différent du projet de l’étudiant. La Cour de cassation attribue la paternité du projet de bi-bancarisation ou compte double (« Votre banque ici et là-bas ») de la Société Générale à l’étudiant.
Cet arrêt de la cour de cassation n° 14-12391 fera jurisprudence. C’est une premiere avancée juridique en matière d’innovation pour tous les étudiants, porteurs de projets et créateurs. L’affaire n’est pas terminée pour autant d’après M. Diop qui pourrait, nous déclare-t-il, attaquer la banque au niveau européen et au pénal en France.
Edité par Balla Moussa Keita