Avec les décisions de la semaine dernière, M. Mario Draghi, le président de la banque centrale européenne, a radicalement révolutionné la politique monétaire européenne. Elles s’inscrivent dans une série de mesures prises depuis trente mois.
Le 4 juillet 2013, M. Mario Draghi déclarait : « Face à une situation de crise exceptionnelle, la BCE a toujours le devoir de faire évoluer sa politique et sa communication. »
« Le conseil des Gouverneurs s’attend à ce que les taux de la BCE restent à leur niveau actuel les plus bas, pendant une période prolongée. » Ainsi les taux ne bougeront pas tant que les perspectives économiques ne s’améliorent durablement.
A peine nommé, MM Mario Draghi prenait le contrepied de son prédécesseur. La BCE avait habitué les opérateurs et observateurs à ne jamais s’engager à l’avance, à garder les mains libres sur ses décisions ultérieures, selon la désormais célèbre sentence de Jean-Claude Trichet « We never precommit », « nous ne nous engagerons jamais à l’avance. »
Un an après, le 5 juin 2014, la BCE annonçait de nouvelles dispositions exceptionnelles.
Le taux de refinancement des banques a été abaissé à un minimum historique de 0,15 %. Le taux de dépôt est négatif à 0,1 %, c’est-à-dire que les banques payent pour pouvoir placer leurs excédents de liquidités à la banque centrale, ce qui est les incite à prêter. C’est la première fois qu’une grande banque centrale opte pour un taux négatif. La BCE a prolongé son généreux système de mise à disposition de liquidités aux banques jusqu’à fin 2016. Pour des opérations de prêt à 3 mois, la BCE prêtera sans limite de montant.
Malgré ces exceptionnelles mesures, M. Mario Draghi avait déclaré « we aren’t finished here », « nous ne nous arrêterons pas là ». Cela annonçait la politique de rachat d’obligations souveraines, comme le font les banques centrales américaine et britannique. Sept mois plus tard, c’est chose faite.
A l’image de ce qu’avait fait la FED américaine, la BCE a engagé une politique d’assouplissement monétaire, avec un programme de rachat de dettes publiques ou privées, pour 50 Mds€ par mois durant près de deux ans. 1 100 Mds€ vont ainsi être injectés dans le circuit économique.
La BCE nous avait dit et répété qu’à la différence des banques centrales américaine, britannique ou japonaise, ses statuts la confinaient au seul réglage monétaire pour contenir l’inflation, que le traité de Maastricht interdit tout refinancement du Trésor d’un Etat membre par la banque centrale.
Pourtant, sans aucune modification juridique, M. Mario DRAGHI fait marcher la planche à billets pour combattre la déflation. Une telle pratique est généralement déconseillée, voire interdite, car une création monétaire supérieure à la création de richesses est censée favoriser l’inflation.
Au niveau où sont les prix, cela ne semble pas préoccupant, et un peu d’inflation permet de diminuer la valeur nominale des dettes, et donc de soulager les Etats endettés. Il faudra néanmoins faire attention, car comme a l’habitude de dire M. Jean-Claude Trichet, « l’inflation, c’est comme le dentifrice, une fois la pâte sortie du tube, il est difficile de lui faire prendre le chemin en sens inverse. »
Certains recommandaient à la BCE d’attendre et de voir les effets sur la croissance économique de la baisse de 55% du prix des hydrocarbures depuis juin 2014, et la dépréciation de l’euro qui ne vaut plus qu’1,12$. M. Mario Draghi n’a plus voulu attendre, et a tenu à enrayer la situation dans laquelle est l’Europe.
Mais, la réponse est suffisamment calibrée et étalée dans le temps pour la gérer au mieux, et éviter les effets négatifs d’un excès de liquidités à faible coût, et notamment la création de bulles spéculatives.
Certains craignent que cette dernière décision de la BCE ne soit une solution de facilité, et ralentisse ou supprime toutes les indispensables mesures structurelles pour relancer et conforter durablement la croissance économique.
Pour atténuer les appréhensions de certains qui craignent de voir, le bilan de la BCE se charger de créances diverses et variées, il a été décidé que le risque sera porté à 20% par la BCE, et à 80% par la banque centrale nationale. Cette disposition est un moyen de responsabiliser les Etats, et une limite à la mutualisation des risques.
Avec ces dernières décisions, personne ne pourra critiquer l’Europe, et l’euro. La BCE a tout fait pour favoriser la croissance économique. Mais n’oublions pas qu’une politique monétaire ne fait pas tout quel que soit son volontarisme. La croissance en Europe reviendra avec son retour dans les pays émergents, et notamment en Chine, et par la reprise de l’investissement privé en Europe.
Dov ZERAH
Chronique économique et financière à retrouver le mardi matin à 7h05 sur Radio J 94.8 FM
Merci