De l’exportateur brut de stabilité à l’importateur net d’instabilité
Au Sahel, le pouvoir est un cul de sac. On sait comment y entrer. Mais, en fin de compte, on n’ y sort jamais de son plein gré. Que l’on s’appelle ATT du Mali ou Tandia du Niger, la tragédie du roi nègre semble écrite d’avance.
L’histoire de Blaise Compaoré, arrivé au pouvoir il y a 27 ans, rassemble à celle des hommes d’exception endormis par les courtisans : leur longue durée au pouvoir doublée d’un bilan économique à priori positif et des médiations réussies dans le contexte international leur confère un certain ascendant régional et national. Leur poigne de fer leur fait plonger dans un certain paternalisme de l’homme indispensable. «Après moi le déluge», croient-ils, encouragés par certains milieux d’affaires intéressés et des forces de l’inertie.
Il est vrai que, dans ce Sahel troublé par les guerres civiles, un Blaise Compaoré joue le rôle du métronome sécuritaire, garant d’une certaine stabilité face à la fragilisation progressive de certains Etats. Allié des démocraties occidentales, il est le rempart réel et fantasmé contre une internationale djihadiste qui a fini par dynamiter le Nord Mali et menace désormais le Sahel humide.
Par son rôle éclairé, il a joué un rôle primordial dans la crise ivoirienne ou, à notre sens, l’enjeu n’était pas de faire tomber Laurent Gbagbo mais de ramener la démocratie en faisant échec à l’ivoirité, ce fascisme tropical dont la Côte d’Ivoire ne détient pas le monopole. La leçon ivoirienne devait pourtant servir le président et lui fournir les ingrédients nécessaires à préparer sa sortie par la porte principale et non par l’issue de secours.
En optant pour la modification de la constitution pour s’offrir un nouveau mandat, le président Compaoré devient, incontestablement, un facteur d’instabilité dans son propre pays et dans une UEMOA, sortie miraculée de la crise ivoirienne et à la recherche, plus que jamais, de stabilité économique pour une émergence attendue dans la prochaine décennie.
Si la modification voulue a peu de chances de réussir à travers un passage en force par le Parlement (à moins d’un énième miracle dont le Sahel a les secrets), le reférendum, lui, est une équation à plusieurs inconnues qui expose le président, son bilan, et, finalement, son pays. L’Union Africaine qui condamne fermement tout coup d’Etat militaire n’a encore rien prévu en ce qui concerne les coups d’Etat constitutionnels qui font florès depuis quelques années.
Un commentaire
Excellent article de la Rédaction de FA !
A la suite, voici mes réflexions conclusives dans un billet publié ce jour par Le Huffington post intitulé : « Alerte au Burkina: le médiateur a besoin d’un médiateur! »:
» Dans cette cavalcade burkinabè, où chacun parle pour sa paroisse, « attendre d’en savoir assez pour agir en toute lumière, c’est se condamner à l’inaction » prévient l’académicien français Jean Rostand. Le pouvoir est-il si mauvais conseiller ? »