Il y a quelques semaines, alors qu’ Alassane Ouattara présidait l’UEMOA et la CEDEAO, l’Association professionnelle des banquiers de Côte d’Ivoire (APBEF-CI) a rejeté une caution de 100 millions de FCFA émise par une banque sénégalaise dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt relatif à la gestion et au contrôle de la filière Café -Cacao. Motif avancé: « Seules les garanties des banques locales sont acceptées ».
Ce rejet, non encore dûment motivé par écrit, prend à contre-pied la réglementation de la zone CFA et les directives de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest dirigée d’ailleurs par un ivoirien, Meyliet Koné, en résidence au Sénégal.
Comment la première puissance économique et financière de la zone UEMOA peut-elle circonscrire les cautions et les garanties bancaires à son territoire alors qu’elle représente 50% de la monnaie en circulation dans ladite zone?
Ce refus est d’autant surprenant que le président de l’Association bancaire ivoirienne, Souleymane Diarassouba, déclarait au forum ICI 2014 en présence d’un ministre burkinabé que toute banque de la zone UEMOA pouvait émettre des cautions dans le cadre des appels d’offres en Côte d’Ivoire.
C’est ce même président qui vient de rejeter les garanties émises par la banque dirigée par son homologue sénégalais Alioune Camara, président de l’association professionnelle des banques du Sénégal.
Pour sûr, de telles contradictions ne contribuent pas à la fluidité des échanges entre ces pays africains membres d’une même zone. L’intégration régionale, expression à la mode dans les colloques et les séminaires, doit être réel en facilitant les acceptations des engagements des banques et en respectant les directives de la BCEAO en la matière. À quoi sert d’avoir une même banque centrale si les émissions des banques de la zone ne sont pas acceptées d’un pays à l’autre?
Selon les informations réunies par Financial Afrik, l’association des banquiers de Côte d’Ivoire tarde à fournir des explications convaincantes ayant agi apparemment sur ordre du Conseil Café-Cacao dirigé par Massandje Toure, ex vice présidente du tristement célèbre CGFCC. Ledit Conseil Café -Cacao, sur la base de ce rejet de la caution émise par une banque sénégalaise, a finalement jeté son dévolu sur quatre sociétés, toutes étrangères, pour le suivi et le contrôle de la filière Café-Cacao. Il s’agit du français Saga, du suisse SGS, du néerlandais Katoen Natie et du tout nouveau venu, le singapourien Cwt.
La seule compagnie ivoirienne et africaine ayant participé à cet appel d’offres s’était présentée avec sa caution exigée de 100 millions de FCFA et une garantie de 100 millions de dollars émise par les Lloyds. A l’arrivée, ce sont quatre multinationales qui ont été choisies sur des bases troublantes s’agissant d’un pays qui aspire aux premiers podiums du prochain classement Doing Business.
Un commentaire
Tous les éléments d’appréciation ne sont pas versés dans l’article pour faire prospérer un avis technique motivé.
Cependant, quelques précisions s’imposent:
– une banque n’est pas obligée, au regard de la réglementation dans la zone, d’accepter une caution fusse-telle d’une consœur de la place (locale ou sous-régionale). L’attitude peut être jugée non élégante, voire non confraternelle mais cela n’altère pas le droit.
– une banque peut requérir pour l’acception d’une caution émise par une autre banque (même locale ou sous-régionale), une confirmation silencieuse (ducroire)d’une banque locale. Dans ce cas de figure, cette dernière devient « porteur de plume ». Et ce n’est pas un cas d’école, qu’il arrive qu’on ouvre et dénoue des LC (credoc) sur la même place bancaire.
Par contre sur le plan politique, il est troublant que dans la même zone, on puisse s’adonner à du « nationalisme bancaire ». Cela est totalement proscrit par les Traités de l’UMOA et de l’UEMOA qui sont basés d’abord sur la solidarité et l’intégration.