Les Quatre Mousquetaires de la Bourse de Nairobi
Toutes les semaines, jacques Leroueil, correspondant de Financial Afrik à Kigali, vous rend compte des bouleversements rapides que connaît cette partie de l’Afrique. Le Kenya, le Rwanda, l’Ouganda, la Tanzanie et le Burundi tirent leurs puissances de leurs environnements d’affaires rénové et, surtout, d’un leadership éclairé….à quelques exceptions près.
C’est un fait, les opérateurs de marché qui se sont bâtis des empires financiers et constitués des fortunes personnelles immenses par leur art consommé de l’investissement en bourse sont encore rares dans l’atmosphère raréfiée où évoluent les grands capitalistes du continent. La faute probablement à des marchés financiers encore peu liquides et diversifiés, rendant difficiles des allers-retours gagnants en Bourse à grande échelle. Mis à part quelques barons de la Finance sud-africaine (précisèment le marché le plus liquide d’Afrique) tels que Allan Gray et Jannie Mouton (le “Warren Buffett Boer”), peu de multimillionaires africains peuvent prétendre tirer une part substantielle de leur fortune d’une gestion active d’un portefeuille boursier (par opposition à la détention “passive” d’actions cotées en bourse et représentant la part du capital social détenu par un entrepreneur). Pourtant, ils existent. Encore peu nombreux certes, mais avec le développement des marchéset la sophistication accrue des instruments d’investissementproposés, ils devraient à l’avenir voir leurs effectifs s’étoffer.
Laboratoire avancé de cette nouvelle Afrique financière qui s’annonce, la place de Nairobi compte d’ores et déjà parmi ses acteurs quelques très gros opérateurs financiers, mi-investisseurs, mi-spéculateurs- capables d’engranger des plus-values nettes à 10 chiffres (supérieures à 1 milliard de shillings [11,5 millions de $] par “coup”. Une bourse qui est de loin lapremière d’Afrique de l’Est (24 milliards de $ de capitalisation) et dont les volumes quotidiens de transactions –près de 6 millions de $- excèdent ceux des marchés rwandais, ougandais, tanzaniens, de la BRVM d’Abidjan, du DSX de Douala et de laBVMAC de Libreville combinés. Un terrain de jeu idéal pour mener des manoeuvres financières taille XXL. Passage en revue des quatre plus représentatifs magnats de la place financière kenyane.
Les Quatres Mousquetaires de la Bourse de Nairobi
John Kibunga Kimani, des affaires publiques au business privé. Après avoir été longtemps au service de l’Etat, l’ancien fonctionnaire s’occupe désormais de gérer ses nombreux intérêts, dont beaucoup ont été acquis via d’adroites opérations d’accumulation de titres en bourse au cours des dernières années. NMG (Médias),Safaricom (Télécoms), Kenya Re (Assurance), Kakuzi(Agribusiness) et East African Breweries (Brasserie) : autant de sociétés cotées au Nairobi Stock Exchange (NSE,) sur lesquelles Kimani a parié massivement, et qui lui ont rapporté gros. La valeur de toutes ses participations cotées est aujourd’hui supérieure à 2 milliards de shillings (22,9 millions de $) et devrait continuer de progresser à court terme avec la bonne tenue de la place financière kényane depuis le début de l’année (+10 %). Le cas échéant, l’ancien agent de l’Etat pourra toujours chercher à maximiser la valeur des nombreux autres actifs non cotés (transport, construction) qu’il détient en parrallèle. C’est ce qui s’appelle une reconversion réussie.
Jimnah Mbaru, le banquier d’affaires. A la tête du conseil d’administration de la banque d’investissement Dyer & Blair, Jimnah Mbaru est une figure respectée de l’establishment des affaires kényan et un personnage souvent incontournable dans les grandes opérations financières qui animent la place de Nairobi. Dernier exemple en date, la firme d’investissement Britam, dont les récents projets d’acquisition dans les secteurs de l’assurance (Real Insurance) et de l’immobilier (Acorn Group) ont boosté le cours du titre à la bourse de Nairobi. Une très bonne nouvelle pour Mbaru, qui, aux côtés d’autres grands noms de la Finance locale (Dawood Rawat le principal actionnaire, Benson Wairegi le PDG et le duo James Mwangi & Peter Mungad’Equity Bank, importants actionnaires également), est propriétaire de près de 220 millions de titres acquis au bon moment, et dont la valorisation s’est accrue de 1,5 milliard de shillings (17,2 millions de $) depuis novembre 2013. Une belle affaire de plus pour notre banquier, qui ne gagne cependant pas à tous les coups. Surtout lorsqu’il s’éloigne de la sphère financière : il n’a terminé que 3e aux élections pour le poste de gouverneur de Nairobi en 2013.
Amin Nanji Juma, le milliardaire silencieux. Discret, secret, voire reclus sont des qualificatifs qui reviennent souvent lorsque les médias kényans évoquent l’homme d’affaires Amin Nanji Juma. Une curiosité que goûte peu l’intéressé mais qui s’explique pourtant aisément : dans l’univers des stars de la bourse kényane, il est au firmament. Archétype de ces financiers qui traitent leurs opérations de grande ampleur sans publicité et sans en référer à personne, accumulant au gré des opportunités de lourdes positions sur telle ou telle valeur de la cote, Amin Juma a fait du temps son meilleur allié pour répliquer à l’échelle kényane ce que d’autres investisseurs (Warren Buffett, George Soros, Prince Alwaleed Ibn Talal) ont fait sous d’autres cieux : faire fortune en Bourse. Ses participations connues dans Nation Media Group, le premer groupe de médias d’Afrique de l’Est (un comble pour un homme aussi peu disert), et la banqueDiamond Trust représentent à elles seules un avoir net de plus de 5 milliards de shillings (57,47 millions de $) et des dividendes annuels moyens de plus de 130 millions de shillings (1,49 millions de $). De quoi vivre confortablement de ses revenus et poursuivre plus que jamais l’aventure boursière.
Chris Kirubi, le flamboyant tycoon. A tout seigneur tout honneur, Kirubi est tout simplement l’homme d’affaires kényan le plus connu. Aussi à l’aise dans les studios de sa radio Capital FM, où il donne régulièrement des conseils à ses nombreux auditeurs et fans, qu’en compagnie des dirigeants politiques et économiques du pays, qu’il rencontre fréquemment dans les conseils d’administration ou sous les lambris dorés des palais de la République, il est aujourd’hui LE parrain de la bourse kényane :Safaricom, UAP Insurance, RVP. Autant de sociétés où Kirubi s’est invité au capital au cours des dernières années, et pour lesquelles il a su exploiter au mieux ses talents de “market timer” pour pouvoir se positionner au meilleur prix et revendre ensuite avec une belle plus-value à la clé lorsque le potentiel de hausse sembalit s’épuiser. Mais son plus beau coup est peut-être encore à venir avec Centum Investments, qui constitue aujourd’hui la très grande majorité de ses avoirs cotés en bourse. Avec une participation valorisée à plus de 6 milliards de shillings (69 millions de $) qu’il a patiemment accumulée au fil des temporaires corrections boursières, et un titre qui a doublé au cours des 12 derniers mois, Kirubi conforte en tous les cas un peu plus sa réputation de Midas qui transformerait en or tout ce qu’il touche.
Jacques Leroueil, Kigali