Quelques heures avant le déclenchement de l’opération française Sangaris en Centrafrique, en renfort à la Force africaine en attente (FAA, 3000 hommes portés à 6 000 lors de ce sommet) le président français a prononcé un discours franc où le sécuritaire, omniprésent, a éclipsé le développement et le climat, les deux autres thèmes de la rencontre. C’était le 6 décembre.
D’emblée, le président français crée la surprise en déclarant que les africains doivent prendre leur sécurité en charge: « J’ai plusieurs fois exprimé, partout où je suis allé en Afrique, qu’une période nouvelle s’ouvrait, que l’Afrique devait maîtriser pleinement son destin et, pour y parvenir, assurer par elle-même sa sécurité – je dis bien « par elle-même » sa sécurité ».
Et de poursuivre face aux chefs d’Etat et de gouvernements africains et en l’absence, notable, des présidents du Rwanda, de l’Angola et d’Afrique du Sud: « Cette phrase pourra surprendre à un moment où la France est appelée à intervenir dans un pays, la Centrafrique, à la suite d’une résolution du Conseil de sécurité, à la demande de l’Union africaine.«
Appelant à une coopération accrue entre la France et l’Afrique, l’Europe et l’Afrique, le président français a évoqué la « constitution d’une force de réaction rapide, sous l’égide de l’Union africaine. Ce projet, exige des moyens de commandement et de renseignement, il suppose que les unités de diverses nationalités qui composeront cette force, puissent intervenir ensemble« . Joignant le geste à la parole, le président français s’engage à entraîner chaque année 20 000 soldats africains.
Sur le volet économique, la France s’engage à multiplier par cinq ses échanges commerciaux avec le continent dans les cinq prochaines années à travers un pacte de croissance entre les deux parties. Paris s’engage aussi à consacrer 20 milliards d’euros au continent sous forme de » dons et de prêts destinés au développement de l’Afrique ».
Puis le discours de Hollande prend des accents de La Baule: « Mais l’engagement qui est le mien, l’engagement de la France, appelle aussi d’autres engagements venant de l’Afrique, et notamment des exigences de transparence et de bonne gouvernance. Chacun le sait ici. Ce sont les Etats qui garantissent le mieux les libertés – les libertés publiques comme les libertés économiques – qui attirent le plus l’investissement. C’est la démocratie, ce sont les droits de l’Homme qui constituent les meilleures armes pour la stabilité et la sécurité. Ils ne suffisent pas, mais ils sont aussi un moyen de répondre au désordre et également à l’inspiration des peuples. Depuis plusieurs années, le processus d’élections pluralistes en Afrique est devenu celui qui s’impose. Je le dis ici avec sincérité et franchise. C’est le seul possible. Il est irréversible et la France ne pourra pas admettre des régressions ou des manquements.«
Le chef d’Etat français se fait encore plus véhément sur le dossier de la Cour pénale internationale en phase de désaccords avec un certains nombre de leaders africains. » De la même manière, les crimes les plus graves qui sont commis en Afrique, et il y en a. Je pense aux violences faites aux femmes, au crime organisé, à l’écrasement d’un certain nombre de peuples. Oui, il est légitime que les coupables puissent être jugés. Il y a une Cour pénale internationale, c’est son rôle, pour se prononcer sur de tels actes lorsque les justices nationales n’ont pas la capacité de le faire. Il faut faire confiance à la justice internationale« .
Dernier axe de l’intervention du président français, l’environnement hérite d’un engagement de 1 milliard d’euros à travers l’agence française de développement (AFD). Un butin à apprécier en rapport au prochain sommet sur le climat à Paris, en 2015. « De la même façon, en Europe, plusieurs pays, au moins treize, ont créé une taxe sur les transactions financières. Elle va être mise en oeuvre dans les prochains mois. Une partie de cette taxe pourrait être affectée au Fonds vert pour le climat et être, ainsi, un exemple pour d’autres pays, pour que nous puissions participer, tous, aux efforts indispensables pour préserver notre planète ».
Evoquant la figure de Nelson Mandela, le président français en appelle à une alliance exceptionnelle entre l’Europe et l’Afrique. Le temps de l’Eurafrique véritable est-il venu?