Par Kassoum Coulibaly, Bamako
Sous embargo depuis vendredi, le dernier rapport de la Banque mondiale sur les terres agricoles en Afrique, co-publié avec l’Agence française de Développement, recommande l’adoption d’une nouvelle politique foncière à travers la délivrance des titres fonciers.
Le droit coutumier africain en vigueur dans le monde rural prive les femmes (qui représentent 70% des fermiers africains) de l’accès à la terre. Sans titre foncier, ces femmes ne peuvent pas obtenir des prêts ou des financements auprès des institutions spécialisées.
Cela restreint un potentiel agricole africain dont l’importance est mise en relief dans ce rapport. L’Afrique compte 202 millions d’hectares de terres arables non cultivées, soit la moitié des réserves mondiales. Or, souligne le rapport, à peine 10% des terres agricoles africaines sont enregistrées. Le reste, soit plus de 90%, non administré et ne faisant pas l’objet de titre de propriété, est exposé au phénomène de l’accaparement des terres. Il faut deux fois plus de temps et plus d’argent pour opérer un transfert de propriété en Afrique Subsaharienne comparée à la zone OCDE. Le Ghana, le Kenya et l’Ouganda comptent à peine 10 superviseurs des terres pour 1 million d’habitants contre 197 en Malaisie et 150 au Sri Lanka. En plus de leur nombre limité, ces superviseurs n’exercent pas à plein temps. Ainsi, sur les 206 superviseurs enregistrés au Kenya, seuls 85 exercent. Idem pour la Namibie et Madagascar qui ont conduit des programmes inspirés de la réforme de la Thailande engagée dans les années 90.
En dépit de son potentiel en agriculture et en ressources minérales, l’Afrique compte le taux de pauvreté le plus élevé au monde, soit 47,5% de sa populations vivant avec moins de 1,25 dollars par jour (chiffres de 2008). Ce taux de pauvreté a résisté à une croissance de 6% en moyenne (hors Afrique du Sud) enregistrée par l’Afrique subsaharienne entre 2000 et 2009.
Ce problème de terres non enregistrées se retrouve aussi dans les villes sous pression de l »exode rural et où beaucoup d’habitants, dépourvus de titres de propriétés, peuvent être expulsés sans autre forme de procès. Avant l’Afrique, d’autres régions ont été confrontées à ce défi. Cas de la Chine qui a cassé le régime de la ferme collective en 1978 et instauré un système de transfert de propriété aux ménages. Cette réforme est à l’origine d’un boom économique qui a sorti des millions de chinois de la pauvreté.
Le chemin des pays pionniers
Aujourd’hui, il est encore plus facile de recenser les terres en utilisant les technologies de l’information. En moyenne, l’on compte 150 dollars par kilomètre carré en utilisant Google Earth, accessible à tous, et 25 dollars par kilomètre carré au moyen de satellite. Actuellement, 15 pays africains sont entrain d’informatiser leur cadastre. La Tanzanie a déjà enregistré 60% de ses terres communales à un coup de 500 dollars par village. Le Ghana et le Mozambique travaillent sur des projets pilotes. L’Ethiopie a délivré des certificats de propriété à 20 millions de parcelles à raison d’un dollar par parcelle avec une remarquable approche genre. En juin 2012, le Rwanda a initié une démarche à similaire à raison de 10 dollars par parcelle.
Tous ces pays doivent trouver en le Mexique, qui a réussi l’enregistrement quasi-total de ses terres dans les années 90, un des meilleurs exemples à suivre.